Que ce soit pour défendre ses quiches ou un cas juridique, Françoise Claquin sait manier l’art du plaidoyer. Car la fondatrice du traiteur Holy Quiche!, lancé à Los Angeles début 2018, avait un avenir tout tracé dans le droit.
Sciences politiques, master en droit du cinéma et de la musique à UCLA, passage du barreau (concours), suivi d’un poste d’avocate pendant quatre ans à Paris: elle avait le nez dans le guidon. “C’est un métier ingrat. Dans les dix premières années, on oublie notre vie et on n’a plus le temps d’aller au cinéma”, lâche-t-elle.
Une proposition inattendue pour un emploi à Los Angeles va lui faire prendre la décision la plus audacieuse de sa vie. “J’avais travaillé quelques mois là-bas (après son master à UCLA), à 25 ans, pour une boîte qui organisait des voyages pour les fans de la Coupe du Monde en Afrique du Sud”. Quatre ans plus tard, c’est pour la compétition au Brésil qu’elle est sollicitée. Et contre toute attente, elle quitte Paris pour ce petit boulot, qui se transforme en poste de marketing touristique. “Ma mère m’a dit que j’allais finir sous un pont”, se souvient-elle, ajoutant qu’il est “plus facile de se réinventer à Los Angeles”.
Une entreprise gérée seule de A à Z
Deux visas H1 plus tard, elle se marie à un Américain, obtenant de fait sa carte verte. Elle monte sa propre entreprise avec ses deniers personnels (15.000 dollars). “J’aime l’idée de partir de zéro. J’avais un syndrome d’imposture, comme beaucoup de gens avec des diplômes”. Il n’est pas question de rêve, mais davantage d’un choix de style de vie. “Je ne veux plus avoir à travailler pour des gens moins compétents, mais mieux rémunérés.”
Amatrice de cuisine, mais sans expérience, elle pense d’abord à faire des crêpes “en tant que Bretonne”, mais se lance finalement dans les quiches à cause de l’absence de concurrence sérieuse. D’autant que c’est sa madeleine de Proust: “Ma mère en faisait tous les dimanches.” Mais c’est un pari plus risqué qu’il n’y paraît : “elle est difficile à imposer aux Américains. Pour eux, cela rappelle le petit-déjeuner ou la frittata.” Cette autodidacte se donne alors pour mission de la promouvoir auprès des Angelinos.
En plus de cette “tarte aux oeufs” -dont les goûts varient selon les saisons-, elle propose des plats maison simples, issus des recettes familiales, tels que du gaspacho, le tiramisu et la crème brûlée. “De la “comfort food” européenne à des prix raisonnables”, résume Françoise Claquin, qui regrette que “la nourriture française aux Etats-Unis soient trop souvent snob ou surestimée”. Avec ce menu, elle démarre dès janvier les marchés fermiers (Malibu, Topanga, Calabasas…), un rythme intense et physique, lié au fait qu’elle gère Holy Quiche! seule. Début juin, elle change son fusil d’épaule pour miser sur les activités de traiteur, contactant les espaces de co-working et multipliant les collaborations avec la communauté française. C’est ainsi qu’elle se retrouve avec un stand pop-up, tous les dimanches, dans l’arrière cour de Kustaa à Mar Vista. Prochaine étape: développer des collaborations avec des cafés locaux et réputés.
Et la jeune entrepreneuse ne s’est pas arrêtée là. En 2019, elle a créé une nouvelle entreprise en parallèle, Brûlée, spécialisée dans les crèmes brûlées aux diverses saveurs. “Les Américains ont une relation irrationnelle aux desserts, alors qu’ils demandent le nombre de calories pour une quiche”, assure-t-elle. Pour séduire les consommateurs des marchés auxquels elle participe (Unique LA, 626 Night Markets,OC Night Market), elle a peaufiné son plaidoyer sur ce dessert bien français.