Si vous avez parcouru les rayons de la nouvelle librairie française de New York, sans doute avez-vous aperçu la silhouette de François-Xavier Schmit, derrière la caisse ou devant les tables qui exposent, sous un plafond bleuté, des romans, des bandes dessinées ou des essais.
Deux mois après l’inauguration d’Albertine par le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, François-Xavier Schmit est plutôt serein. Chaque semaine, environ 600 visiteurs poussent la porte de la librairie, et repartent avec des romans de Patrick Modiano, Emmanuel Carrère, Marcel Proust, Marguerite Duras – les auteurs les plus vendus. La librairie avait écoulé 3.500 ouvrages les trois premières semaines, selon l’AFP (Agence France-Presse). Un chiffre que les Services culturels n’ont pas souhaité confirmer.
“Outre la littérature, le rayon enfant marche très bien, les méthodes de langues, et chose plus étonnante, les dictionnaires, sans doute parce que c’est difficile d’en ramener de France. Question fréquentation, on est content, et les gens semblent heureux d’avoir une offre de livres en français actualisée. Pour le moment, notre public, c’est deux tiers de Français, et un tiers d’Américains”, raconte ce libraire de 42 ans, arrivé il y a un peu plus d’un an à New York avec pour mission de créer, constituer le stock et administrer au quotidien cet espace. Un projet qui avait été lancé par le Conseiller culturel de l’ambassade de France aux Etats-Unis et auteur de la BD Quai d’Orsay, Antonin Baudry.
Pour ce poste, François-Xavier Schmit a été choisi parmi plus de 150 candidats. Pourquoi lui ? Sans doute à cause de son parcours original. Fils d’architecte, Francois-Xavier Schmit a grandi à Rouillon, à côté du Mans. “J’avais toujours un livre dans ma poche. Ado, je dévorais Orwell, Zola, Vian.” Après des études de gestion à l’université du Maine, puis à Paris, il commence sa carrière comme cadre chez Renault, en région parisienne. De 1996 à 2006, il est “assistant du DRH monde”, puis responsable RH de la chaine de montage de l’usine de Flins – un poste où il apprend à “déminer les conflits”.
“Au bout de dix ans, j’ai fait le point. Tout me semblait trop linéaire. Je savais à quoi allait ressembler ma vie dans les 30 prochaines années, et j’avais envie d’autre chose.” Il démissionne et avec sa femme, originaire de Carcassonne, et sa fille, il s’installe à Toulouse, afin de lancer une librairie. Un rêve d’enfance.
Et c’est ainsi qu’à 34 ans, il reprend “tout de zéro”. “J’ai fait une formation, des stages. J’ai appris le métier sur le tas. En faisant une étude de marché, je me suis rendu compte que le quartier de Saint Cyprien n’avait pas de librairie, et je me suis installé là-bas.” L’Autre Rive ouvre en 2008 dans la Ville rose. “Cela a tout de suite marché. C’était génial. Tout le monde devrait oser ce genre de changement, et éviter de tomber dans le confort d’une trajectoire qui ne vous convient plus vraiment.” En 2012, sa librairie double sa surface, et passe à 130 m2 – à peu près la surface d’Albertine.
Lorsqu’il tombe sur internet sur l’offre de poste à New York, il n’y croit pas vraiment. “J’ai fait une lettre, deux jours avant la date limite”, se souvient-il. Son parcours de cadre RH devenu libraire retient l’attention du jury, et il décroche le ticket gagnant. “Là, c’était le vide intersidéral. Je me suis demandé dans quoi je m’embarquais, car j’étais heureux à Toulouse. Je prenais le café avec les clients, je venais de me faire construire une maison. Tout s’est fait en un mois”, se rappelle François-Xavier Schmit, qui n’était passé à New York “qu’une seule fois, en coup de vent, dix ans avant”.
Ce père de deux filles de 6 et 11 ans est désormais bien installé à Manhattan, où il conseille les visiteurs d’Albertine (si vous lui demandez ses auteurs préférés, il vous répondra Mathias Enard, Laurent Mauvignier et Maylis de Kerangal). Outre la littérature française, il pourra aussi vous aider à trouver une bonne BD ou un chef d’oeuvre américain : “les 14.000 livres d’Albertine, je les ai choisis, je les connais presque tous.”