“Quand j’ai écrit le film, je ne savais pas qu’il prendrait une dimension si politique avec le Brexit ou avec l’élection de Trump“, confie François Ozon.
Ce film, c’est “Frantz”. Il prend place pendant l’Entre-Deux-Guerres. Présenté lors de l’édition 2017 de “Rendez-Vous with French Cinema“, le dernier long-métrage du réalisateur sort le mercredi 15 mars au Film Forum et au Lincoln Plaza Cinema à New York puis dans le reste du pays dans les semaines qui viennent. “C’est un film très européen, sur la culture européenne, mais il a beaucoup d’échos avec le contexte actuel, avec la montée des nationalismes, la peur des étrangers, le retour des frontières”.
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, dans une petite ville d’Allemagne, Anna (Paula Beer) fleurit la tombe de Frantz, son jeune fiancé mort au combat. Un jour, elle voit Adrien, un ancien soldat français mystérieux (Pierre Niney) qui vient lui aussi pleurer sur la dépouille du jeune allemand.
Petit à petit, les deux jeunes gens nouent contact. Adrien est invité à la table des parents de Frantz. Il leur raconte comment il a rencontré leur fils, venu étudier en France avant la guerre, comment ils sont devenus amis. Il leur joue du violon, comme Frantz, et se rapproche d’Anna, qui, en plein deuil, ne peut s’empêcher de tomber amoureuse du jeune Français.
Mais un secret larvé entoure le duo, ou plutôt le trio formé avec Frantz puisque comme l’explique François Ozon, “Frantz est partout. Tout le monde perçoit Frantz, tout le film tourne autour de ce personnage qui est en fait absent”. Une absence, ou plutôt une mort, symbole de souffrance, de traumatisme, de deuil et de dépression.
Dans “Frantz”, François Ozon montre la double lutte de la Première Guerre Mondiale : celui du front contre l’ennemi, et celui de l’après, contre soi-même. Il dépeint avec brio une génération détruite par la Grande Guerre, aussi bien en France qu’en Allemagne. A travers une Paula Beer brillante et magnétique, le réalisateur a souhaité donner un point de vue allemand sur cette page de l’histoire.
“J’ai un grand lien avec l’Allemagne. Et j’avais envie cette fois de parler d’un point de vue allemand. Le film d’Enrnst Lubitsch et la pièce de Maurice Rostand (ndlr : dont “Frantz” est l’adaptation) racontaient cette histoire depuis le point de vue français, et j’avais le sentiment qu’une belle réponse serait de faire ce remake, depuis le point de vue opposé, d’autant plus parce que je suis un réalisateur français. Injustement, les Allemands jouent souvent les méchants dans les films. Je voulais montrer simplement qu’à cette période, il n’y avait finalement que très peu de différence entre Allemands et Français”, explique François Ozon.
Plus “chaste” que les longs-métrages précédents du réalisateur (“Une nouvelle amie“, “Jeune et Jolie“), “Frantz” oscille malgré tout entre ambiguïtés et non-dits, où une sorte “d’amour nécrophile autour de Frantz” règne tout au long du film et entre chaque personnage. Frantz et son absence omniprésente empoisonnent le présent avec son lot de mystères et de tabous. “Je trouvais ça intéressant d’avoir cette dimension de secrets, de mensonges, dans cette période où tout le monde veut tout savoir, où la transparence doit être totale. Parfois, nous avons besoin de mensonges et de secrets”.