Depuis l’enfance, François Gérard a toujours baigné dans l’univers marin. Né à Troyes, il doit son amour pour les produits iodés à ses racines bretonnes, puisque ses grands-parents maternels étaient originaires du Morbihan. De la pêche maritime à la conchyliculture, il a fait d’une passion son métier, travaillant de nombreuses années essentiellement sur la façade Ouest de la France, mais aussi en région parisienne, chez Lenôtre et pour de nombreuses personnalités dont l’ancien président de la République, Jacques Chirac.
En 2017, François Gérard a posé ses valises aux États-Unis, avec sa femme Candice et leurs quatre enfants. D’abord installée à Santa Barbara (Californie), cette famille recomposée a déménagé à Las Vegas en juin 2019 pour y démarrer une activité de fumage de saumon. Des produits de la mer en plein désert ? Si cela peut paraître un peu fou, cela ne l’est pas tant que ça, car les Américains raffolent de ce poisson qu’ils dégustent à toutes les sauces. Une aubaine pour François Gérard !
Auréolé du prix de l’excellence des poissonniers de France, il rêvait d’exercer ses talents aux États-Unis. D’abord attiré par la Californie pour sa situation côtière idéale, il a donc fini par jeter son dévolu sur Las Vegas. Une ville à la position centrale qui lui permet de rayonner sur tout le sud-ouest du pays, de Los Angeles à Phoenix en passant par Salt Lake City, et ainsi de pourvoir les cuisines de nombreux restaurants de la région.
À commencer par celles du casino Venetian, dont le chef français Olivier Dubreuil, séduit par son inventivité, lui a donné carte blanche dès son arrivée. « Je lui ai proposé du saumon que j’ai fumé au romarin, et il a adoré. Tout est parti de là », se souvient François Gérard. Il ouvre alors son laboratoire, un vaste hangar réfrigéré composé d’une salle de fumage et d’une zone de stockage, à deux pas du fameux Strip. Un lieu épuré où l’on trouve tout le nécessaire pour sublimer le produit (fumoir, table à découper, chambre froide) et où le saumon ne séjourne que brièvement, car aussitôt fumé, il migre sans attendre vers les cuisines des établissements de la ville.
Aujourd’hui, ses créations audacieuses garnissent de nombreuses belles tables, comme celles de Mon ami Gabi, du Bellagio et aussi du groupe MGM. « Ici, il faut produire du volume en qualité. Le Bellagio, par exemple, c’est 700 filets à la semaine… Mais ça ne me fait pas peur ! », assure-t-il. De même qu’oser des associations surprenantes, comme ce saumon aux fruits de la passion, ou encore coloré au cassis pour le stade des Raiders ou à la betterave pour des assiettes pleines de fantaisie, parfaites pour une clientèle internationale exigeante et friande de nouveauté.
S’il travaille principalement le saumon, François Gérard ne se fixe aucune limite. Pour lui, tout est bon à fumer : saint-jacques, loup de mer, esturgeon… Il se fournit directement auprès des producteurs, en Norvège, mais aussi aux États-Unis (à Sacramento, dans le Michigan…) et même au Chili, uniquement de l’élevage. Chaque semaine, 2,5 tonnes de saumon sortent de son laboratoire, où il met au point ses recettes exclusives. Sa marque de fabrique : un poisson assaisonné au sel fin importé d’Israël, relevé d’un petit mix d’épices et fumé principalement au bois de hêtre et de deux autres essences, tenues secrètes.
Prochaine étape pour François Gérard ? S’agrandir, car il commence à manquer de place, mais aussi de bras. « Le plus difficile, c’est de trouver des gens capables de travailler au froid… Ils ne sont pas habitués, ici ! », ironise-t-il, l’œil rivé sur l’écran de contrôle de son ordinateur, qui lui permet de surveiller en temps réel la température à l’intérieur de la cellule de fumage, le taux d’humidité, la pression de l’air, la température dans le filet… Une exigence qui l’a fait remarquer au plus haut niveau, puisque son savoir-faire a été salué par le chef américain Guy Mitchell, qui a officié à la Maison Blanche. À quand un saumon à bannière étoilée ?