“Si un jour quelqu’un m’avait dit que je vivrai au Texas avec un militaire américain, je ne l’aurais pas cru”, affirme Lena Desnos. Expatriée aux Etats-Unis depuis 2011, la jeune maman de 32 ans a pourtant déjà connu trois déménagements, un déploiement de six mois et deux accouchements sur des bases militaires américaines.
Quand elle rencontre son futur mari sur une plage paradisiaque d’Exmouth dans l’ouest de l’Australie en 2012, la jeune brune ne connaît rien de la vie de militaire. “On a eu notre premier rendez-vous le 12 mars et le 19 mars 2012, nous avons officialisé notre relation. Pourtant, on se connaissait à peine”, raconte la jeune femme originaire de Loire-Atlantique. En mission pendant deux ans pour l’Air Force, son époux doit repartir aux États-Unis. Elle décide alors de le suivre.
Surnommée “The great place”, la base de Fort Hood est située à environ une heure d’Austin au Texas. Construite en 1942, elle est également la base la plus peuplée du monde, avec 65.000 habitants. C’est ici que la Française a posé ses valises en mars 2015. Elle n’est pas la seule. Valérie Inglis Alonso a, elle, quitté la Belgique pour suivre son mari, policier militaire. À peine arrivée, la jolie Belge aux yeux pétillants ne pense qu’a une seule chose : “Je suis très indépendante et j’avais besoin de travailler”, se souvient l’ancienne hôtesse de l’air qui a depuis été embauchée. La Bruxelloise ne le cache pas, les débuts ont été difficiles et angoissants. Seule à la maison avec un niveau d’anglais médiocre, elle ne sait pas comment s’intégrer. “J’ai pleuré pendant plusieurs jours ! C’était un monde nouveau”, témoigne-t-elle. “C’était confiné, j’avais l’impression d’être un oiseau en cage”, abonde Lena Desnos.
Selon la journaliste Tanya Biank, la vie de femme de militaire aux États-Unis est différente du reste de la société. “C’est plus qu’un métier, c’est une façon de vivre. Epouser un soldat représente une partie de l’identité des femmes de militaires. Elles deviennent membre d’une communauté qui possède ses propres codes”, explique l’auteur du livre Army wives : the unwritten code of a military marriage, qui a inspiré la célèbre série télévisée Army’s wive.
Valérie Inglis Alonso gagne désormais un salaire, mais ce n’est pas le cas de beaucoup d’entre elles. Selon le Département de la Défense américain, le taux de chômage des femmes de militaire est deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Sur les réseaux sociaux, les groupes de femmes de militaires en recherche d’emplois se comptent par dizaines.
Les jeunes femmes font partie des 690.000 personnes mariées à des militaires américains. Pour autant, la plupart des conjoints étrangers sont originaires d’Allemagne, de Corée du Sud et de pays hispanophones. Si les Français sont peu nombreux à traverser l’océan pour rejoindre leur époux militaire, c’est en partie parce que l’armée américaine ne possède aucune base en France. Or, beaucoup de soldats rencontrent leur conjoint lors de leur déploiement à l’étranger.
“L’armée américaine est paternaliste”
Pour Juliette Frye, la sécurité financière proposée par l’armée américaine est rassurante. Originaire de la région parisienne, cette traductrice indépendante de 29 ans a suivi son mari américain sur la base de Fort Bliss, à El Paso, dans le sud du Texas. “Les militaires et leurs familles sont très bien pris en charge et il y a beaucoup d’avantages”, estime la Française. Elles peuvent en effet bénéficier de nombreuses promotions comme des concerts de musique gratuits, des ventes privées, ou encore des places de cinéma gratuites. Les militaires ont également accès à l’assurance santé. “Sans l’armée, la vie ici serait beaucoup plus difficile, car dans la société américaine, il n’y a pas de filet de sécurité. L’armée américaine est paternaliste”, poursuit la traductrice qui anime un groupe de lecture à El Paso.
Lena Desnos a pu profiter des soins de santé gratuits. Elle a accouché deux fois au sein d’hôpitaux militaires, à Hawaï et au Texas. “Je pense qu’avoir des enfants est plus facile en tant que militaire, tout est pris en charge gratuitement”, témoigne-t-elle.
Leur plus gros sacrifice ? “Avoir quitté ma famille dont je suis très proche” affirme Juliette Frye qui réussit à voir ses proches deux fois par an. “Je suis souvent la dernière à connaître les ennuis de santé, c’est angoissant”, affirme-t-elle. Lena Desnos relativise : “On se téléphone souvent et finalement la distance nous rapproche, car on profite plus des moments passés ensemble”.
Après plusieurs mois passés au Texas, les jeunes femmes se sont adaptées malgré les différences culturelles. Rentrer ? “Hors de question ! Je ne reviendrai pas en arrière et j’aime mon mari. Je crois qu’il faut s’adapter, sans trop réfléchir. Quand je fais la liste des choses positives, il y en a pleins !”, ajoute Valérie Inglis Alonso. Une philosophie que de nombreuses femmes de militaires américaines ont adopté en reprenant l’expression “Fleuris où tu as été planté”.