Pour la première fois de sa vie, Françoise Contreau, 68 ans, a pu serrer son père dans ses bras. Un père âgé de 100 ans, dont elle ne connaissait auparavant que le nom, Robert Garcia, et dont elle pensait ne jamais pouvoir faire la connaissance. L’émouvante rencontre a eu lieu mercredi matin à Whittier, dans la banlieue Sud de Los Angeles, à l’issue d’une quête exceptionnelle.
« Ma mère travaillait dans un hôtel-restaurant à Cherbourg pendant la Seconde Guerre mondiale», raconte Françoise Contreau. « C’est là qu’elle a fait la connaissance de mon père, un GI arrivé en Normandie peu après le débarquement des Alliés en juin 1944. Elle est tombée enceinte en janvier 1945, mais six mois plus tard mon père a reçu l’ordre de repartir sans en informer personne. »
Toutefois, Robert Garcia n’oublie pas son enfant. Dix années durant, par l’intermédiaire de sa sœur, il fait parvenir des colis en France. Seulement trois d’entre eux arriveront à destination, en raison des déménagements. « J’ai quand même pu reçu une photo et une lettre, avec une adresse au dos.»
Les années passent, Françoise Contreau construit sa vie en Bretagne, jusqu’à la rencontre, il y a cinq ans, de son nouveau compagnon, Yves Galès. Intrigué par cette histoire familiale, il décide de retrouver la trace du GI. « Je suis parti de presque rien, raconte-t-il. J’ai commencé par cette lettre avec une adresse au dos. Puis j’ai passé des centaines d’heures à lire les rubriques nécrologiques et les journaux d’Albuquerque, les registres de l’armée américaine et les census conservés par les mormons, ainsi que les US City Directories. » Un travail infernal qui finit pourtant par porter ses fruits… au bout de trois ans ! « Au bout d’un mois, le 21 janvier dernier, une lettre est arrivée pour dire que le GI Robert Garcia était toujours vivant et installé à Los Angeles ».
Une nouvelle immédiatement suivi de la planification d’un voyage aux USA en cette fin mars, afin de retrouver un père qui ne l’a jamais oublié. «Il s’est marié, mais n’a jamais eu d’autre enfant. Je suis sa seule fille ».
Aujourd’hui sous curatelle, sous la responsabilité d’une nièce du côté de son épouse, Robert Garcia, pourtant ému, a toutefois montré quelques difficultés pour se détendre face à Françoise. « Il n’a jamais dit à personne qu’il avait une fille en France, explique Yves Galès. Lorsque cette filiation a finalement été révélée, certains de ses proches lui ont dit de faire attention. Face à nous, il est donc resté distant au début, avant de partir chercher un album de photos dans sa chambre pour les montrer à sa fille. Petit à petit, l’ambiance s’est détendue et nous avons pu faire entrer les enfants de Françoise qui attendaient sur le parking. »
Une incroyable surprise pour l’ancien GI, ému de découvrir que quatre petits enfants (de 26 à 48 ans, auxquels il faut ajouter six arrières petits enfants) avaient fait le voyage pour lui. Il s’est alors mis au piano et a pris tendrement les mains de Françoise. A partir de ce moment ce fut un pur bonheur pour tout le monde. Et en nous accompagnant sur le parking, il nous a demandé de revenir le voir avant de repartir…»
L’expérience fut intense pour Françoise Contreau, désormais proche de ce père qui lui avait tant manqué, et accueillie à bras ouverts par de nombreux cousins, chez qui elle poursuivra d’ailleurs son séjour jusqu’à la fin du mois, à Albuquerque, au Nouveau-Mexique.