Ce mercredi matin n’était pas comme tous les autres pour nous, Français des Etats-Unis. A notre réveil, la nouvelle venait de tomber. Les images de personnes évacuées sur des civières des locaux de Charlie Hebdo, dans les rues parisiennes que nous connaissons si bien, défilaient comme un mauvais film à la télévision américaine, sur Facebook, twitter…
Bilan provisoire: au moins douze morts (dont des membres de la rédaction du journal satirique et deux policiers) et dix blessés. Parmi les morts, les dessinateurs Charb, Cabu, Wolinski et Tignous et l’économiste Bernard Maris, qui participaient à la réunion de rédaction hebdomadaire du journal. A l’heure où nous écrivons ces lignes, les auteurs de l’attaque, que François Hollande a qualifiée de “terroriste“, sont toujours en fuite.
Chacun d’entre nous, Français des Etats-Unis, a eu une réaction différente face à ses images crues, choquantes. De la colère, de l’indignation, du dégoût, de la peine. Mais avant tout, une profonde tristesse. Tristesse de voir un totem national touché aussi crument par la violence du terrorisme. Beaucoup d’entre nous n’ont certainement jamais lu Charlie Hebdo. N’ont sans doute jamais vu un dessin de Charb ou de Cabu. Certains pensaient probablement que c’était un torchon. Mais tout le monde avait déjà vu les savoureuses “Unes” de l’hebdomadaire chez le marchand de journaux du coin. Tout le monde connaissait l’humour railleur de ses plumes qui donnait tout son sens à la liberté d’expression et faisait honneur à la presse française. Et pour nous tous, Charlie Hebdo (comme Le Canard Enchaîné, comme Le Monde et Le Figaro et Libé et les autres) était un peu un morceau de chez nous et de notre identité française.
La France, nous l’avons quittée, mais elle reste dans notre cœur et dans nos tripes. Même si nous aimons la critiquer, parfois. Même si elle nous désespère, souvent. C’est dans ces moments de tristesse nationale que nous nous en rendons compte: nous avons beau être loin, nous avons la France au cœur. Et comme un être cher qui va mal, nous voulons être près d’elle dans les moments de douleur. Nos amis américains, qui nous envoient des messages de sympathie depuis quelques heures, nous le rappellent: nous cherchons parfois à oublier d’où nous venons, à gommer notre identité, mais nous ne le pouvons pas. Les tragédies comme celles de Charlie Hedbo nous feront toujours revenir à l’essentiel: avant d’être des Français des Etats-Unis, nous sommes des Français tout court.
Un océan nous sépare de la France, mais nous vous invitons donc à rappeler autour de vous qu’ “aux Etats-Unis, je suis Charlie aussi” .