“C’était une grosse pression. On n’avait pas le droit à l’erreur. La fleur, c’était à la virgule prêt“, se souvient Sébastien Barrancos en évoquant son travail pour Paul Bocuse. En collaboration avec un autre fleuriste, Bernard Douzelet, il a conçu pendant trois ans des créations florales pour l’Abbaye de Collonges, restaurant du chef mythique dans la région de Lyon. “Il nous disait toujours qu’il voulait plus que des fleurs dans un vase“.
Avec son compagnon Jérôme Briday, Sébastien Barrancos a fondé Flowers and Creations. Etablis depuis quelques mois à New York, ils cherchent à séduire les New-Yorkais avec les bouquets insolites et travaillés qui ont fait leur réputation à Lyon. Outre Paul Bocuse, ils ont habillé les devantures de plusieurs bistrots de la capitale des Gaules ainsi que le lobby et la façade de l’hôtel Roosevelt (quatre étoiles). “Toutes les fleurs ont leur place. Il faut juste les placer. Un fleuriste ne dit pas qu’une fleur est moche. Non, elle existe. Il faut l’utiliser. Il n’y a pas de fleurs moches ou belles“, explique Sébastien Barrancos.
Le couple a eu pas loin de mille vies avant de se lancer dans la fleur. Sébastien Barrancos a fait des études qui le destinaient à travailler “dans la sismologie et la vulcanologie“. Parce que ses parents manquaient d’argent pour financer ses études, il part travailler chez Quick, puis pour la chaîne d’habillement Zara à Lyon. “J’ai fini meilleur vendeur”, glisse-t-il. La marque lui fait miroiter un poste de responsable de magasin à Paris, qui ne vient pas. Il démissionne.
Jérôme Briday, lui, travaillait dans le secteur de la restauration quand le couple se met en tête d’ouvrir un bar-tabac. Mais ils découvrent dans le journal un magasin de fleurs en liquidation judiciaire, situé dans le quartier de la Croix-Rousse. Ils le rachètent en 2001. “Les six premier mois, on a eu zéro client. On démarrait de zéro. On a fait des bouquets avec des prix d’appel et on a reconquis une clientèle petit à petit“, se souvient Sébastien Barrancos.
L’aventure dure sept ans. Après avoir revendu l’affaire florissante à une de leurs apprenties, ils se lancent un nouveau défi et s’offrent une boulangerie-sandwicherie, toujours à Lyon. Et comme l’espace d’une centaine de places ne leur suffit pas, ils ouvrent aussi un restaurant – le Koodetta – et une boîte de nuit, le Bloc, aujourd’hui fermée. “Au total, on avait 32 employés. C’est 32 soucis“. Ils finiront par vendre leurs parts en 2014 en raison d’un différend avec leur associé.
En 2017, Sébastien Barrancos et Jérôme Briday décident de partir pour New York, où ils veulent se faire un nom dans la création florale. “C’est dans ce domaine-là qu’on s’est toujours éclaté. On s’est dit qu’on a pu relancer une affaire en faillite dans un petit quartier lyonnais. Vu le nombre d’habitants et d’événements à New York, et notre style, on pense apporter quelque chose de différent“, explique Sébastien Barrancos.
“Quelque chose de différent“, comprenez: “on ne se contente pas de mettre un bouquet dans un vase“, poursuit-il. Les créations spectaculaires de Flowers and Creations incorporent des éléments non floraux, comme des fruits, des métaux, des cailloux collés, des plumes. “Tout le monde peut aller au supermarché pour acheter des fleurs. Nous apportons le côté créatif et technique“. Depuis leur arrivée, les créateurs ont composé des bouquets pour Laurent Claquin, patron du groupe de luxe Kering, à l’occasion de la Fashion Week. Et pour des événements au consulat de France, dont un dîner privé avec la chanteuse Sheila pour laquelle ils ont préparé des chaussures à talons remplies de fleurs et placées sous des cloches de verre. Ils espèrent à présent décrocher des contrats avec des hôtels, des restaurants et des particuliers. “Dans la fleur, on doit s’adapter à tout: la personne, la déco, les goûts… Tout est lié, explique Jérôme Briday. Il n’y a pas de routine“.
Texte: Alexis Buisson. Vidéo: Maxime Aubin