Revue de presse. L’Euro 2016 a commencé vendredi avec ses matches à péripéties. Mais la presse américaine s’intéresse à un autre type de rencontres, peu sportives celles-ci: les bagarres entre supporters russes et anglais en marge du match de samedi.
Pour le Wall Street Journal, ces évènements “ont exposé des failles de sécurité dans un tournoi qui se déroule dans un contexte de menace terroriste accrue” . Et le Chicago Tribune estime que “les violences jettent une ombre sur l’Euro 2016” .
Christopher Dickey, du Daily Beast, n’est pas inquiété par les hooligans, mais plutôt par les terroristes. Dans un article alarmiste intitulé “Les terroristes vont-ils attaquer la France pendant l’Euro ?” (comme si on connaissait la réponse), il rappelle les failles du renseignement européen avant les attaques de janvier et novembre 2015. Et décrit l’Euro comme un casse-tête pour les services de sécurité. “La tentation terroriste qui persiste pendant les grands rendez-vous comme l’Euro ne concerne pas uniquement les groupes djihadistes organisés comme l’Etat islamique ou Al-Qaïda; des terroristes solitaires ou des losers violents de tous bords religieux et idéologiques peuvent y succomber.” Et de terminer sur une note encore plus réjouissante: “Huit jours après la fin de l’Euro, le Tour de France commence pour 22 jours. Douze millions de personnes s’alignent au bord des routes pour assister à la course la plus célèbre au monde. La tentation terroriste continue.” Selon Time Magazine, “les enjeux sont très élevés, pratiquement et symboliquement. Si le championnat se termine sans incident, les autorités françaises pourront enfin être en mesure de tourner la page des évènements traumatiques de 2015”.
Le Washington Post revient lui dans une tribune sur la polémique autour de la non-sélection de Karim Benzema et Hatem Ben Arfa. Le premier avait accusé Didier Deschamps de “céder à la pression d’une partie raciste de la population” en choisissant de ne pas le retenir dans l’effectif de l’Euro. “Dans un pays où les discussions sur la race sont rares par rapport aux Etats-Unis, les événements commémoratifs de cette année (sur la traite et l’esclavage, ndr), comme des essais de lycéens et des présentations académiques sur l’esclavage et le racisme, ont été discrètes (…). Mais la semaine dernière, la question raciale a explosé malgré tout en Une des journaux alors que la France se préparait à accueillir ses voisins pour l’Euro 2016. Ironiquement, la compétition qui rassemble 24 pays a débuté le même jour que se sont terminés trente jours de commémoration de l’esclavage” , note l’auteur de ces lignes, Joel Dreyfuss, responsable d’une association de journalistes noirs.
Observant que la présence de “minorités” chez les Bleus a été l’objet de critiques lors de la coupe du monde catastrophique de 2010, le journaliste juge que tant que la France gagne, le fameux “black-blanc-beur” de 98 ne choque personne. En cas de défaite, c’est une autre histoire. “Tout le monde aime les vainqueurs; tout pourrait être oublié si la France gagne l’Euro. Mais le vrai test quant à la relation de la France avec son équipe de foot – et ses minorités – viendra si les Bleus trébuchent ou ne gagnent pas l’Euro 2016.”
Et le foot dans tout ça ?
Grèves, terrorisme, inondations: avec tout cela, on en oublierait presque le jeu. Pour le Wall Street Journal, le premier match des Bleus, remporté 2-1 contre la Roumanie, est très prometteur. “La compétition de foot qui a causé beaucoup de consternation en France ces derniers mois, en raison de la sécurité nationale et des grèves, a finalement commencé. Et après un match, les citoyens français peuvent retirer une petite inquiétude de leur liste: l’état de leur équipe nationale.”
En donnant la victoire aux Bleus d’un superbe but en lucarne, Dimitri Payet “a offert à la France un moment de catharsis nationale, analyse ESPN FC, le blog foot de la chaîne sportive américaine ESPN. Les Parisiens en particulier se comportaient comme si la joie – la pure joie, sans réserve – n’allait plus jamais être la leur (…) Pour la première fois depuis des mois, les imaginations françaises été occupées par des perspectives de bonheur, et Payet a décidé de s’introduire au milieu de ces perspectives.”
Même son de cloche pour l’Associated Press. Pour John Leicester, éditorialiste sport, le match d’ouverture de la France contre la Roumanie n’est ni plus ni moins qu’un “nouveau chapitre” pour le pays. “Au final, le match ou même le résultat – 2-1 pour la France – étaient moins importants que le simple fait que des dizaines de milliers de personnes sont venues de France et d’au-delà pour y assister, amassées dans un stade que des kamikazes ont récemment pris pour cible.”
Le journaliste s’émerveille face à “l’émotion” avec laquelle la Marseillaise a été chantée et en voyant ces “80.000 personnes côte à côte dans ce qui était en effet un ‘group hug’ géant dont la France avait tellement besoin“. Un public qui “envoie un message” , dit-il, en venant au Stade de France “avec leurs enfants et leurs êtres chers, en bravant les cercles de sécurité, et en ignorant la petite voix dans la tête de tous les Français qui disait que les terroristes pouvaient encore frapper” .
“Est-ce de la bravoure ? se demande-t-il. Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que cette nuit-là, la France a re-affirmé son droit à être heureuse.”