Coup de tonnerre en Californie. Alors que le foie gras est interdit dans l’Etat, un restaurant, le Presidio Social Club (PSC) de San Francisco, a décidé d’entrer en résistance. Il l’a fait savoir dans un communiqué de presse: “Puisqu’il est situé sur un territoire fédéral (le Parc national du Presidio, ndlr), le PSC est exempté des règles d’interdiction posées par l’Etat sur le divin foie gras. Le PSC fêtera donc deux indépendances majeures en ce mois de juillet: la Fête de la Bastille, et la liberté de manger du foie gras pour les Californiens“. Et d’afficher avec une folle insolence son menu festif du 14 juillet : foie gras sur un pain brioché maison toasté, servi avec cocktail de Sauternes pour 20 dollars. Ou encore : menu du soir à 48 dollars – auquel on peut même ajouter un foie gras poêlé en supplément pour 18 dollars.
L’annonce a provoqué un tollé chez les défenseurs de la cause animale, principaux promoteurs du « foie gras ban ». Depuis le 1er juillet, les restaurants et commerces californiens ne peuvent ni vendre ni servir de foie gras à leur clientèle, sous peine d’une amende de 1 000 dollars.
Le propriétaire du PSC Ray Tang n’a pas pu être joint par French Morning mais il a déclaré au San Francisco Chronicle: “Nous n’essayons pas de violer la loi“. Pour Hope Bohanec, membre de In Defense of Animals (IDA), la décision du PSC relève de la “provocation“. “De nombreux restaurants sont situés sur des terres fédérales en Californie. Mais de la même façon qu’ils respectent les lois criminelles et les lois sanitaires, ils doivent respecter les autres lois de l’Etat californien“. C’est le cas du Cliff House, un autre restaurant du Presidio, qui se tiendra à carreau. “Nous respectons les lois de l’Etat. Nous ne servirons pas de foie gras pour le moment“, confirme son manager Ralph Burgin.
La résistance s’organise
Depuis son entrée en vigueur, la loi n’en finit pas d’être contestée par les amoureux de foie gras. Plusieurs plaintes ont été déposées, entre autres par l’Hudson Valley Foie Gras et l’Association des Eleveurs de Canards et d’Oies du Québec contre le gouverneur de Californie, estimant que le « foie gras ban » constitue une entrave au libre commerce.
Certains propriétaires de restaurants français envisagent déjà des astuces pour contourner la loi. Comme Jean-Luc Guionnet, chef et propriétaire du Petit Café Bakery, dans la marina de Ventura : « La loi va sans doute devenir négociable (…) J’ai un ami qui va peut-être vendre son foie gras sous un autre nom, et on se demande si on a le droit d’acheter du pâté de foie gras, les règles ne sont pas claires et nettes (…) En Amérique il y a toujours une manière de contourner les lois ». Jean-Luc Guionnet a pour l’instant retiré le foie gras de son menu en attendant que la loi tombe en désuétude.
En France, quatre sénateurs socialistes du Sud-Ouest ont sollicité une rencontre avec l’ambassadeur des Etats-Unis en France, Charles Rivkin. Dans leur lettre rendue publique, les élus dénoncent une loi ”très sélective” sur la notion de bien-être animal qui montre « une méconnaissance de la technique du gavage ». Le ministre de l’Agriculture lui-même, Stéphane Le Foll, a souhaité “examiner” le sujet de plus près. En attendant, et par solidarité avec leurs collègues outre-Atlantique, les producteurs et marchands du Sud-Ouest ont lancé un mouvement de boycott des vins californiens. Un geste très symbolique, puisque seuls 3 à 4% de la vente de foie gras en Californie venait du Sud-Ouest, et qu’une proportion similaire de vins californiens est vendue dans la région française. La crise du foie n’est pas terminée.
Crédit photo : Sarah Rice / San Francisco Gate