« Les personnes qui ont voté pour l’initiative 77 n’ont aucune idée de comment la restauration fonctionne à Washington D.C. », lance Cédric Maupillier, propriétaire de Convivial dans le quartier de Shaw. L’itiniative 77? C’est une loi qui a été adopée à 55% par les électeurs de D.C. pour augmenter le salaire des employés de la restauration.
Le salaire minimum standard dans le district est de 12,50 dollars de l’heure. Mais les restaurants, bars et autres entreprises peuvent compter sur les pourboires des clients pour atteindre ce salaire et ne payer les travailleurs que 3,33 dollars l’heure de leur poche. L’initiative 77 va donc supprimer progressivement le salaire de 3,33 dollars pour instaurer la nouvelle norme de 15 dollars de l’heure en juillet 2025.
Selon Denis Chauzelle, directeur-exécutif de la Chambre de Commerce franco-américaine à Washington D.C., « les Français a qui j’ai parlé seraient plutôt favorables à l’arrêt des pourboires et un salaire correct pour les serveurs et serveuses, car cela se rapprocherait du système à la française ».
Pour le chef de Convivial, qui a voté “non” aux élections, les pourboires vont devenir une espèce en voie de disparition. « C’est une utopie de penser que nos clients vont toujours laisser des pourboires si on monte nos prix », explique-t-il, soulignant qu’il n’est pas contre donner plus aux employés, mais n’adhère pas à ce passage forcé. « Nos serveurs se font en moyenne 24 dollars de l’heure, donc bien plus que 15 dollars sans tips », calcule-t-il.
Pour lui, la solution sera « d’augmenter les prix pour compenser les 30 % d’augmentation de salaire ou bien de me séparer de quelques employés ».
Un article publié en 2015 par des économistes de l’Université Cornell a indiqué que de modestes hausses du salaire minimum ne réduisent pas le nombre d’emplois. « Même lorsque les restaurants ont augmenté leurs prix en réponse aux augmentations salariales, ces augmentations de prix ne semblent pas avoir suffisamment réduit la demande ou la rentabilité pour diminuer de façon appréciable ou fiable le nombre d’établissements de restauration ou le nombre de leurs employés », décrivent-ils.
Néanmoins, un grand nombre de serveurs étaient également contre cette loi, à tel point que certains ont lancé la campagne « Save our tips » sur les réseaux sociaux.
La majorité des chefs, serveurs, propriétaires de bars et restaurants de Washington sont contre et défendent farouchement les pourboires. Un sondage mené par Horizon Media en 2016 a révélé que 81% des clients adultes de restaurants sont contre l’abolition des pourboires et préfèrent récompenser une experience de service positive avec leur porte-monnaie. Cela n’a pas empêché le restaurateur new-yorkais Danny Meyer de faire l’experience et de bannir les pourboires dans 14 des ces restaurants pour s’orienter vers un modèle plus européen.