Mais oui, c’est bien lui, c’est bien Xavier ! Pour ceux qui s’en souviennent, j’avais raconté ses tribulations dans l’une de mes rubriques de l’année dernière. Tout frais arrivé de France, il s’était retrouvé confronté très rapidement aux différences souvent déstabilisantes entre notre culture et celle des Américains, en passant un week-end aux Hamptons plutôt fort en rebondissements.
Deux ans plus tard, c’est un vrai plaisir que de le revoir. « New York, c’est ma ville. Les États-Unis, c’est mon deuxième pays et je n’ai aucune intention d’en partir. Le restaurant marche très bien malgré la crise, j’ai des nouveaux amis, une vie pleine et intéressante, mais depuis peu je me retrouve confronté à un nouveau dilemme». Le voir tenir sa coupe de champagne si fébrilement ne présage rien de bon. «Je ne supporte pas la communauté française et tous les expats qui vont avec ! En faisant les efforts nécessaires pour m’immerger dans la société américaine, je suis devenu l’exemple type du parfait immigré. Mais depuis que mes nouveaux voisins de palier se sont installés, mes doutes sur mon identité et ce que je suis venu achever ici ressurgissent. Ce couple d’expats français est si français que j’ai l’impression de n’être jamais parti ! ».
On décide d’en parler plus tard, au rythme d’une balade dans un Central Park ensoleillé. Anne et Clément, les deux voisins, en prennent pour leurs grades. «C’est incroyable, cela fait cinq ans qu’ils sont à New York, mais ils pourraient tout aussi bien vivre à Nogent-le-Rotrou. Tout ce qu’ils font a une connotation française. Et lorsqu’ils font quelque chose de « New Yorkais », ils ne peuvent pas s’empêcher de comparer cette activité à ce qui pourrait être l’équivalent en France. Tous leurs amis sont français et sont membres d’une, ou plusieurs, associations françaises. Ils se connaissent tous entre eux, et ils ont réussi l’exploit de faire ressembler une ville vibrante et bigarrée comme New York à un village où tout le monde sait tout sur tout le monde. Dès qu’un film venant de l’hexagone sort dans une salle, ils s’y précipitent et lorsqu’un chanteur français arrive ici, ils achètent des places illico presto alors qu’ils ne l’auraient sûrement jamais fait en France. C’est bien simple, s’il y avait un hamburger français, il le préférerait à l’Américain, rien que par principe… ». Xavier se sent soulagé de s’être livré sans craintes de « représailles ». Je pousse toujours mon client à dire tout ce qu’il a sur le coeur pour qu’il se sente enfin écouté mais aussi entendu. Je suis attentif, bienveillant sans être complaisant, et surtout je ne porte aucun jugement.
«Quand je suis avec Anne et Clément, j’ai de nouveau ce sentiment inconfortable de me retrouver assis entre deux chaises. Ils représentent ce que j’ai quitté allégrement mais aussi ce qui me manque parfois cruellement. J’en ai marre d’être confronté à ce genre de sentiments qui ne me mènent nulle part ». Il ne doit pas renier ce qu’il ressent, au contraire, mettre tout à plat est le meilleur moyen de s’explorer. «Les expats, j’ai parfois envie de les étrangler et en même temps j’ai de l’affection pour eux car, malgré nos différences, on se ressemble beaucoup». Xavier se calme et devient plus lucide. Il est temps d’enfoncer le clou pour l’aider à découvrir en lui ce qui le tourmente vraiment. «Partir de France pour nous, immigrés, est une aventure pleines de risques. On a, et continuons d’avoir malgré nous, une attitude de survivants morts de faim, agressifs et teigneux, ne sachant pas de quoi demain sera fait. Les expats débarquent à New York avec un job bien payé et des papiers en règle. Ils ont, et conservent malgré eux, un regard de touristes paisibles et bon enfant sur la ville, sachant qu’ils reviendront au pays bientôt ».
Un coach doit suivre son intuition, sans présumer qu’il a raison bien sûr, et je sens que nous sommes tout près de sa vérité. Xavier s’arrête de marcher, laisse passer une nanny poussant son landau et soupire d’une voix presque inaudible, «comment accepter leurs amitiés, comment m’ouvrir à eux et faire l’effort de les connaître intimement, à la Française, si c’est pour voir mes espoirs et attentes réduits un jour à néant. Ils sont là pour partir, et moi pour rester ».
Xavier a besoin de faire la paix avec tous ses démons. Il écrit l’histoire de sa vie avant qu’elle ne se passe, au lieu de prendre plaisir page après page. Il lui faut accepter sa situation d’aujourd’hui: « C’est vrai, je suis en manque de vrais amis même si je prétends le contraire. Je suis trop dur avec moi, j’ai cette tendance à vouloir être parfait dans tout ce que je fais, et je me rends compte que j’essaye d’être la copie conforme de l’idée que je me fais du parfait immigré. C’est pathétique ! ». Reste positif et dis moi plutôt ce qui t’as permis de réussir ton installation aux États-Unis ? «Tout ce que j’ai entrepris et réussi ici, je l’ai fait d’abord en cherchant à me faire plaisir. Et a bien y réfléchir, en amitié, je me fais souvent violence. Je vois bien maintenant que la seule solution à mon dilemme est d’accepter qu’être assis entre deux chaises n’est pas qu’une situation bancale, cela fait aussi partie de ma richesse. Au lieu de refuser ce que mes chers voisins m’offrent, même temporairement, je dois me donner la permission de l’accepter à bras ouverts sans me poser de questions à long terme ».
Déjà 20 ans que je vis à New York et l’immigré que je suis n’a toujours pas trouvé le parfait équilibre entre ce que je suis au plus profond de moi, un «frenchie» pur et dur, et ce que je suis devenu par choix de vie, un New Yorkais à part entière. Au lieu d’essayer d’avoir des certitudes, j’ai appris à bricoler ma vie au gré de mes rencontres et à puiser, si nécessaire, avec joie et envie, une grande bouffée de France avec mes expats favoris.
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