[Article partenaire] L’expatriation transforme la vie des familles à bien des égards, notamment sur les plans juridique et patrimonial. Mais qu’advient-il du régime matrimonial des époux lorsqu’ils franchissent les frontières ? Et comment les contrats de mariage sont-ils pris en compte dans un contexte international ?
Reprenons l’histoire de Madame Vénus et Monsieur Mars – évoqué dans un article précédent – qui est un couple de Français marié en France, décident, après deux ans de vie commune, de s’installer à New York pour une opportunité professionnelle. Pendant 15 ans, ils y construisent une nouvelle vie, fondent une famille et accueillent leur fils Sirius. Leur séparation conduit Madame Vénus à retourner en France avec leur enfant, où elle souhaite engager une procédure de divorce.
La répartition des biens : devant le juge français ou le juge new-yorkais ?
En droit français, le tribunal saisi du divorce est compétent pour la liquidation du régime matrimonial – sujet développé dans un article précédent : Divorce et expatriation : compétences et lois applicables décryptées. Si Madame Vénus engage une procédure en France, les juges français auront compétence pour statuer.
Toutefois, la longue résidence aux États-Unis peut compliquer la situation, car les juridictions new-yorkaises pourraient également se déclarer compétentes.
Cette double compétence ouvre pour Madame Vénus et Monsieur Mars la possibilité d’un choix stratégique : saisir un juge français ou américain selon les intérêts des parties. Par exemple :
Pour préserver un contrat de mariage français, que le juge américain pourrait écarter.
Pour rechercher une loi plus favorable, chaque juridiction appliquant ses propres règles internationales.
Pour des raisons de coûts ou de rapidité, les procédures variant selon les pays.
À noter que, selon le principe français de la priorité au premier juge saisi, il est crucial d’agir rapidement.
La répartition des biens sans contrat de mariage : selon quelle loi ?
Si le juge américain est saisi, la loi américaine sera appliquée.
Devant le juge français en revanche, la loi applicable dépendra de la date du mariage et du pays dans lesquels les époux ont vécu :
Mariages avant le 1er septembre 1992 : La loi du premier domicile commun des époux s’applique. Pour les époux VÉNUS-MARS, la loi française prévaudra, quand bien même ils ont ensuite vécu à New York pendant 15 ans.
Mariages entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019 : La loi de la première résidence habituelle commune s’applique, avec une mutabilité automatique après 10 ans dans un autre pays. Dans ce cas, la loi française sera applicable pendant les douze premières années de leur mariage, puis la loi new-yorkaise deviendra applicable.
Mariages depuis le 29 janvier 2019 : La loi de la première résidence habituelle commune reste applicable, même après une longue expatriation. Dans cette dernière hypothèse, la loi française sera applicable et continuera de s’appliquer tout au long du mariage.
Ainsi, si les époux MARS-VENUS avaient immédiatement emménagé à New York après leur mariage, la loi américaine s’appliquerait, quelle que soit la date du mariage.
Loi française ou new-yorkaise : quelles différences ?
Régime légal par défaut
En l’absence de contrat de mariage, le régime matrimonial légal s’applique automatiquement. Toutefois, il n’existe pas de régime matrimonial universel : chaque pays définit ses propres règles.
En France : Le régime par défaut est celui de la communauté réduite aux acquêts. Tous les biens acquis pendant le mariage, ainsi que les revenus des époux, sont considérés comme communs et appartiennent aux deux. Lors de la dissolution du mariage, le juge partage le patrimoine commun en deux parts égales. Les biens acquis avant le mariage, ou reçus par héritage ou donation, restent propres à chaque époux.
Par exemple, si Monsieur Mars hérite d’une maison et que Madame Vénus finance des travaux importants, un calcul sera réalisé pour indemniser Madame Vénus, mais la maison restera un bien propre de Monsieur Mars.
À New York : Le concept de régime matrimonial tel qu’il existe en France n’est pas appliqué. À la place, le principe de l’equitable distribution repose sur une répartition flexible des biens matrimoniaux. Tous les biens acquis pendant le mariage sont présumés matrimoniaux, sauf ceux reçus par héritage, ou donation. Le juge a un pouvoir discrétionnaire important s’agissant de leur répartition et décide selon des critères d’équité, comme la contribution financière et non financière des époux, leurs revenus futurs ou les besoins des enfants. Contrairement à la France, la répartition peut ne pas être égale (par exemple, 75 % à l’épouse et 25 % au mari).
Par exemple, si la maison héritée par Monsieur Mars a été rénovée grâce aux investissements de Madame Vénus et sert de résidence principale à Sirius, le juge pourrait attribuer cette maison à Madame Vénus en raison de l’intérêt supérieur de l’enfant, et l’investissement réalisé par l’épouse.
Contrastes juridiques
Bien que les deux systèmes partagent des principes communs, notamment la prise en compte des contributions des époux, leurs approches diffèrent fondamentalement :
Rigidité vs Flexibilité
En France, la répartition des biens est strictement encadrée par le régime légal, avec peu de marge de manœuvre pour le juge. Chaque époux conserve ses biens propres, et les biens communs sont divisés en deux parts égales.
À New York, le juge dispose d’une flexibilité importante pour adapter la répartition des biens aux circonstances spécifiques, prenant en compte les besoins individuels et ceux des enfants.
Traitement des questions patrimoniales et compensatoires
En France, les questions de prestation compensatoire et de liquidation du régime matrimonial sont traitées séparément.
À New York, ces questions sont abordées conjointement dans le cadre de l’equitable distribution. Cela permet une vue d’ensemble mais peut complexifier les cas internationaux où des lois distinctes régissent le régime matrimonial et la prestation compensatoire (voir notre article précédent : Divorce et expatriation : compétences et lois applicables décryptées).
Poids de l’équité
Le droit français impose des règles strictes et prévisibles, même si la prestation compensatoire peut atténuer les déséquilibres financiers liés au divorce.
Le droit new-yorkais repose sur des critères d’équité plus larges, offrant une plus grande flexibilité mais introduisant davantage d’incertitudes pour les époux.
Contrats de mariage français et américains : reconnus à l’étranger ?
Les contrats de mariage français face au droit américain
Madame Vénus et Monsieur Mars signent un contrat de mariage de séparation de biens en France. Si Monsieur Mars engage une procédure devant un tribunal new-yorkais, ce contrat sera-t-il reconnu ?
Pour être valable à New York, un contrat de mariage français doit respecter des exigences locales, souvent absentes des contrats classiques français :
Exigences de forme à New-York:
Conseils juridiques indépendants : Chaque époux doit avoir son propre avocat lors de la négociation et signature du contrat pour en comprendre les implications juridiques.
Formalités de signature : Les signatures doivent être reconnues devant un officier habilité, similaire aux actes immobiliers (“Acknowledgment”). La signature devant un notaire français peut suffire.
Traduction du contrat en anglais.
Exigences de fond à New-York :
Transparence financière (“financial disclosure”) : Chaque époux doit divulguer l’intégralité de ses biens et revenus.
Équité des clauses (“independant legal advice”) : Les dispositions déséquilibrées ou déraisonnables peuvent être invalidées par un juge new-yorkais, même si elles sont valables en droit français.
Un contrat non conforme sera souvent écarté par le juge new-yorkais au profit du principe d’equitable distribution. Pour Monsieur MARS et Madame VÉNUS, cela pourrait conduire à une répartition des biens très différente d’un régime français de séparation de biens.
Une telle décision de l’État de New York qui écarte un contrat de mariage français de séparation des biens sera reconnue valide en France et produira ses effets. Pour l’empêcher, les époux MARS-VENUS auraient pu inclure dans leur contrat une clause d’élection de compétence désignant les tribunaux français comme compétents.
Les contrats nuptiaux américains en France
Madame Vénus et Monsieur Mars signent cette fois un contrat nuptial à New York. Si leur divorce est prononcé en France, le contrat sera-t-il reconnu ?
En principe, la France reconnaît les conventions matrimoniales étrangères conformes à leur droit local. Cependant, certaines clauses peuvent poser problème et sont susceptibles d’être écartées
Clauses financières : Une renonciation totale à la pension alimentaire pourrait être invalidée si :
Le contrat ne mentionne pas une loi étrangère autorisant cette renonciation.
Les époux résidaient dans un pays interdisant cette pratique au moment de la conclusion du contrat (comme la France).
La clause est manifestement déséquilibrée ou contraire à l’ordre public.
Clauses non financières : Toute disposition portant atteinte aux droits fondamentaux, comme une obligation médicale (ex. : vasectomie), sera écartée.
Un contrat nuptial américain respectant le droit local peut être reconnu en France, mais des clauses contraires à l’ordre public pourraient invalider tout ou partie de l’accord.
Naviguer dans le cadre juridique franco-américain demande une préparation rigoureuse. Que ce soit pour anticiper un contrat de mariage ou pour gérer une séparation, le cabinet CM&A – Chauveau Mulon & Associés et son service EXPATS by CM&A sont à votre disposition pour vous accompagner.
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