Devenir français n’est-il qu’une question de papiers? Non. La journaliste et écrivaine américaine Pamela Druckerman, qui vit depuis plus de dix ans à Paris, a écrit pour le New York Times un billet sur ses difficultés à devenir française. Et dresse en filigrane un portrait à charges du pays des Droits de l’homme.
“Suis-je prête à abandonner mon autre moi, devenu une identité à lui seul ?” se demande-t-elle dans cet article paru le 10 novembre. Si Pamela Druckerman n’est pas française, elle en a le verbe. Auteure de deux livres à succès sur l’éducation des enfants en France – Bringing Up Bébé en 2012 et Bébé Day by Day en 2013 -, la journaliste a déjà fait à plusieurs reprises le même constat amer : celui de se sentir toujours autant étrangère en France.
Devenir française, oui, mais “qu’est-ce qu’être française ?, se demande Pamela Druckerman. Vais-je me mettre à tenir ma fourchette de la main gauche du jour au lendemain et me rappeler que c’est ‘un plaisir’ et non ‘une plaisir’ de rencontrer quelqu’un ?” Les avantages sont pourtant nombreux, avance-t-elle : elle pourrait voter aux élections françaises et européennes, travailler où elle le souhaite dans l’U.E. et, “de manière cruciale“, faire de ses enfants des Français.
Mais la principale difficulté, c’est bien “l’authenticité” de cette demande de citoyenneté, qui peut prendre des années. Citant les sociologues Didier Fassin et Sarah Mazouz, Pamela Druckerman écrit que “les autorités peuvent rejeter une demande si le candidat n’a pas adopté les valeurs françaises.”
S’ensuit une réflexion sur la langue elle-même et la “francisation” du pays, héritée de Bonaparte. “Lui (Bonaparte) et d’autres ont passé le XIXème siècle à faire de la France, alors une nation peuplée de langues régionales et de dialectes, une nation où pratiquement tout le monde parle un Français correct.” L’écrivaine évoque logiquement le système scolaire, où littérature et philosophie restent prégnants, et qui forme des “Français qui passent le reste de leur vie à citer Proust entre eux, sans que personne d’autre ne puisse comprendre la référence.”
Pamela Druckerman explique en effet qu’elle se sent souvent à côté – des références littéraires et musicales, mais aussi d’ expressions idiomatiques comme “en faire tout un fromage” ou “long comme un jour sans pain“.
Non sans humour, la journaliste conclut que, lors de l’entretien pour sa demande de naturalisation, “qui évaluera mon niveau d’intégration“, elle dira “qu’elle se sent aussi confortable à Paris qu’un coq en pâte.“