Je reste dubitatif devant l’email de ce monsieur que je ne connais pas. Il a entendu parler de moi par l’un de mes ex-clients et je semble être son dernier recours. Ce n’est pas le ton d’urgence de son message qui me surprend – c’est souvent ainsi que l’on me contacte initialement – mais plutôt la nature même de son dilemme : Régis à une trouille folle de l’avion et « comme je dois aller en France deux fois par mois pour le boulot, cette histoire devient vraiment ridicule ». Il aimerait me rencontrer pour en parler, je ne suis pas sûr que cela soit une bonne idée. J’ai plutôt envie de le diriger vers une amie psychologue plus qualifiée, même s’il insiste qu’il sort d’une thérapie dont il a fait le tour. Après réflexion, je lui propose une discussion informelle au téléphone afin de déterminer si le coaching que je pratique est ce dont il a besoin. J’en doute, mais ma curiosité naturelle fait la différence.
Sa voix au téléphone est claire et enjouée. En effet, il est prêt à passer à l’action, le travail avec sa psychologue a porté ses fruits. Il m’explique le pourquoi, « c’est le seul moment de ma vie où je n’ai aucun contrôle », doublé d’une tragédie il y a quatre ans de cela, « un ami était dans cet avion qui a disparu au-dessus de l’Atlantique ». Il veut maintenant comprendre le comment, « il doit bien avoir une solution pour me débarrasser de cette peur, vous ne croyez pas ? ». Je n’en sais absolument rien. Une chose est sûre, il a vraiment envie de changer. Sans cela, il n’y a pas de coaching possible. On planifie une séance une semaine avant son prochain voyage. Á son retour, on décidera si cela vaut la peine de se revoir. Avant de me coucher, je suis tenté de googler « phobie et peur de l’avion ». Je me retiens et éteins mon ordinateur. Plus un coach est candide, plus il pose les bonnes questions.
Régis est un jeune homme de 35 ans, costaud, aux yeux bleu clair et à la bonne bouille de Ch’ti. Il décrit point par point, une angoisse après l’autre, à quoi ressemble sa phobie. Ce n’est pas très intéressant car peu surprenant. Il ressasse avec moi ce qu’il a ressassé avec les autres. Il est bien trop à l’aise dans ce rôle de victime reproduit tant de fois. J’ai envie de le secouer en l’aidant à découvrir des territoires inconnus, c’est là où il se révèlera. Que dirait-il à un proche lui confessant sa frousse terrible de prendre l’avion ? Le voilà sûr de lui. « Va faire du yoga, ça n’a pas de sens, tu prends plus de risques à traverser Broadway, c’est débile, c’est facile, tu manques de courage… ». Et montrer de la compassion pour cet individu qui sait déjà tout ce que vous lui déblatérez, mais qui n’arrive pas à s’en sortir ? Régis ricane, pris au jeu. « S’il le sait, il n’a qu’à le faire ! ». Alors pourquoi ne le faites vous pas ? « Car je suis un gros nul ». Ah, nous y voilà. Je ne sais pas si notre coaching l’aidera à résoudre son dilemme à 100%. Par contre, je suis convaincu qu’il n’a aucune chance d’avancer s’il n’apprend pas à mieux se connaître et à mieux s’aimer. Perplexe, il répond à chacune de mes questions sans en saisir l’importance. Je fouille mon client, ses passions, ses amis, ses amours, ses valeurs et ses principes de vie. Je lui renvoie son image. En une heure, il se retrouve un peu. « Si l’on faisait de nouveau le jeu de rôle de tout à l’heure, je serrerais mon ami dans mes bras en lui disant que c’est OK et qu’il peut compter sur moi ». Dont acte.
Á peine rentré de Paris, il m’envoie un sms, « faut que j’te raconte, je crois avoir compris quelque chose ». Le soudain tutoiement n’est pas gratuit. Il en a besoin pour former notre équipe. C’est le pilote, me voilà promu navigateur. Tous les jours avant son départ, il a offert ses conseils à son ami imaginaire, celui qui a peur de l’avion. Encore mieux, ils ont voyagé ensemble. Cela s’est à peu près bien passé, malgré deux-trois crises au décollage et lors de turbulences en plein vol. Régis à l’âme d’un coach. J’applaudis. La vérité est qu’il a arrêté de se flageller et qu’il voit maintenant son dilemme sous un angle différent. « En étant bon avec moi-même, j’ai réalisé qu’au lieu d’éliminer ma peur, quel tour de force, je peux commencer par apprendre à vivre avec ». Régis vient de faire une découverte importante. Je ne le laisse pas souffler et lui demande quel est son plan de bataille pour la mettre en application. Il m’avoue que sa panique vient des milliards de questions qu’il se pose dès qu’il est dans l’appareil. « D’où vient ce bruit sous mes pieds ? Le Steward à l’air inquiet, le pilote n’a rien dit depuis une demi-heure, pourquoi ? Qu’est-ce qui leur prend à tourner en rond dix fois avant d’atterrir ?…Si jamais, je ne pouvais ne m’en poser qu’une, celle que j’appelle la bonne, la justifiable, j’ai l’impression que ma peur de l’avion diminuerait drastiquement ». Je ne suis pas un spécialiste des phobies, et ne le serai jamais. Il est pourtant évident que Régis sait utiliser mon coaching à son avantage. Je l’accompagne dans son cheminement personnel, sans juger. Quelle peut bien être cette question ?
C’est sur un vol Paris-New York mouvementé qu’il l’a trouvée. Il s’attendait à un équipage français. La compagnie aérienne l’avait remplacé par un staff américain beaucoup moins glamour, mais tout aussi compétent. L’imprévu l’avait paniqué. Le voyage avait été long et douloureux. Il avait pensé à sa mort et à tout ce qu’un crash l’empêcherait d’accomplir plus tard, « j’ai encore tant de choses à faire ». Sur le tarmac de JFK, il s’était soudainement calmé. Maintenant qu’il a réappris à s’aimer, ce n’est pas du futur dont il veut s’inquiéter, mais du présent.
« Est-ce que j’ai bien vécu avant de mourir ? » est la question qu’il se pose maintenant avant chaque vol. Il fait tout pour que la réponse soit « oui » à chaque fois. Depuis, il maîtrise sa peur et arrive même à s’endormir sur son siège. C’est son truc, son stratagème, je le soutiens sachant que ce n’est qu’une étape vers son but suprême. Le coaching n’est pas une technique qui l’aidera à effacer cette phobie de sa vie, mais notre court travail l’a conduit à mieux se connaître et donc à prendre des décisions qui lui appartiennent. Nous continuons à nous voir une fois par mois afin de faire le point, et à chaque fois, je le sens plus serein. Pour lui, notre coaching est un ingrédient parmi d’autres qu’il a appris à utiliser à bon escient. Régis vient de commencer un traitement proche de l’hypnose qui, je l’espère, rangera définitivement au placard la terreur incontrôlable de ses débuts.
Pour en savoir plus sur ce qu’est le coaching avec Nicolas Serres-Cousiné, visitez www.monlifecoach.com