Ne vous fiez pas à la croix autour du cou d’Eric Kayser: il n’est pas croyant. “Je l’ai achetée au Liban, et je ne l’ai jamais quittée” .
Il n’est peut-être pas croyant, mais le boulanger lorrain a des allures de prêcheur. Prêcheur pour le bon pain et la bonne bouffe dans un pays, les Etats-Unis, qui connait “un regain d’intérêt autour des bons produits” . Cette croyance l’a poussé, un jour, à dire “gentiment” à une employée de Panera Bread, la chaine américaine de produits boulangers, tout le bien qu’il pensait de son café de mauvaise qualité. “J’ai voulu voir le manager pour lui demander comment ils pouvaient servir un tel café! Une honte!”
A défaut de changer le café de Panera Bread, Eric Kayser se concentre déjà sur le sien et son petit empire à lui. Il vient d’ouvrir sa neuvième boulangerie-restaurant, à Brooklyn. Son prochain, à Union Square, doit voir le jour cette année. Et pour lui, il n’y a pas de raison de s’arrêter en si bon chemin. “On veut ouvrir dans le grand New York. Demain, le Bronx et d’autres régions. On fait un produit de luxe et on veut qu’il soit accessible au plus grand nombre”, lance-t-il.
Hyperactif
Interviewer Eric Kayser, c’est un peu Noël avant l’heure. Ce jeudi matin, au lendemain de l’inauguration de sa boulangerie brooklynite, il nous reçoit entre deux autres journalistes dans sa boulangerie du Flatiron avec deux grands sacs remplis de pâtisseries et de pains. Des barquettes de croissants et de pains au chocolat attendent sagement sur la table.
Il ne faut pas cinq minutes pour se rendre compte que l’homme est hyperactif. Attablé au fond de la salle bondée, il picore activement son chocolat aux amandes, tout en regardant ses e-mails. Vif, il taquine son attachée de presse, vanne le serveur et répond à nos questions. “Vous ne buvez pas votre chocolat chaud?” s’inquiète-il, comme s’il ne comprenait qu’on ne puisse pas prendre des notes, poser des questions et tenir une tasse en même temps. “Je suis capable de faire beaucoup de choses, dit-il. J’admire les gens qui ont de grandes capacités de méthodologie et d’organisation. La vie, c’est une question d’organisation. ”
Le PDG-boulanger se lève tous les jours à 5h30 du matin “pile” (il dort cinq heures par nuit), regarde ses e-mails, part courir ou promener son chien. Ses modèles dans les affaires ne sont pas forcément des boulangers. Il dit admirer Bill Gates dans l’informatique, ou Bernard Arnault, le patron de LVMH. “Je regarde le business de l’excellence. Il faut toujours regarder le meilleur, regarder vers le haut. Si on se met à regarder en bas, on ne s’améliore pas. Il faut toujours apprendre. C’est le plus compliqué. L’homme a toujours tendance à penser qu’il sait tout“.
Business “prospère”
Eric Kayser sait qu’il ne sait pas tout, certes, mais il sait qu’il sait une chose. Il a toujours voulu être boulanger. Toujours. “J’avais trois ans. Je faisais une fièvre comme en ont souvent les gamins. J’ai rêvé que je devenais boulanger et que j’ouvrais des boulangeries partout dans le monde” confie-t-il.
Son salut intervient en 1994 quand il met au point avec le boulanger Patrick Castagna, une machine infernale nommée Fermentolevain, dans laquelle il fabrique un levain liquide prêt-à-l’emploi. Eric Kayser ouvre sa première boulangerie Rue Monge à Paris, et part à la conquête du monde. L’Asie, l’Afrique, l’Europe… Il est présent dans 22 pays sans compter la France, de Singapour à l’Arabie Saoudite en passant par la République démocratique du Congo.
Il est venu aux Etats-Unis relativement tard. “On n’était pas prêt” raconte-t-il. Eric Kayser n’aime pas parler business aux journalistes – “les gens mélangent les chiffres, je préfère parler de passion” . Il renvoie toutes ces questions-là à Louis-Jean Egasse, qui dirige Maison Kayser USA avec Lou Ramirez, un ancien du Pain Quotidien. Lui aussi refuse de commenter les chiffres et l’identité des investisseurs derrière l’aventure américaine d’Eric Kayser et se contente de dire que les boulangeries américaines de la chaine de 800 employés “prospèrent” . La marque peut en tout cas compter sur le soutien d’un actionnaire discret mais puissant: le fonds d’investissement de Charles Heilbronn, membre de la famille Wertheimer, actionnaires historiques de Chanel, comme French Morning le révélait en 2013. Louis-Jean Egasse se refuse aussi à dire où sera le premier Kayser en dehors de New York. “Il y a un véritable engouement pour la gastronomie aux Etats-Unis, et pas seulement à New York, qui nous ouvre des perspectives de développement intéressantes” .
Eric Kayser, lui, a toujours la tête à New York, et dans son chocolat aux amandes. “On devrait en ouvrir une autre à Brooklyn, souffle-t-il. On ira où le vent nous portera. The sky is the limit.”
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French people are so hardcore, they eat pain for breakfast
Very good !!