La nostalgie est plus que jamais ce qu’elle était… C’est en tout cas le pari de Lionel Giraud, qui relance aux Etats-Unis Vuarnet, la marque française légendaire de lunettes et vêtements de skis et ouvre une boutique à New York.
Si vous avez beaucoup skié dans les années 1990 et avant, pas besoin de vous expliquer. Les autres se souviennent peut-être des lunettes “Glacier”, avec protections souples latérales, qui ont fait le succès et la fortune de Vuarnet, en France mais aussi aux Etats-Unis. La suite est l’histoire banale de la chute d’une marque, qui multiplie les licences de produits annexes et finit par perdre son identité et tomber dans un relatif oubli.
Lionel Giraud, qui a fait carrière notamment chez Cartier et LVMH (Chaumet), arrive dans l’histoire en 2014, lorsque le fonds d’investissement qui a récupéré Vuarnet (Noe Investment Partners) l’appelle pour relancer la marque. Jeune cinquantenaire, il se souvient des heures de gloire de la marque: “les lunettes “Glacier” sont sans doute le premier truc cher que je me suis acheté quand j’avais 18 ans” raconte-t-il. Il décide de recentrer l’entreprise sur ce qui a fait son succès: la technicité de ses lunettes.
Créées en 1957 par un opticien parisien (Roger Pouilloux) qui avait inventé un verre permettant de voir le relief en montagne, elles avaient décollé grâce au soutien du champion de ski Jean Vuarnet, qui gagna les Jeux Olympiques avec et auquel Pouilloux s’associa rapidement. “Cette plus-value n’a pas disparu: notre technologie de verre minéral est toujours la meilleure, bien plus performante que le plastique” assure Lionel Giraud. Il décide donc de réinvestir dans l’usine de Meaux, d’où sortent tous les verres, mais aussi dans le design “qui, lui, avait beaucoup vieilli”.
Très vite, le plan marche en France: le designer français Christophe Pillet est enrôlé pour revisiter les modèles “iconiques” (Glacier, 02, 03, etc) et en créer de nouveaux. Vincent Cassel devient l’égérie de la marque et -coup de chance total assure le PDG-, même James Bond s’y met en arborant une paire de Vuarnet 002 dans Spectre (en 2015), “sans que nous ayons à dépenser un centime en placement de produit”.
Après avoir affiché 45% de croissance annuelle sur les trois première années de relance en France, l’heure est donc arrivée de revenir aux Etats-Unis. “Pour moi c’était le premier endroit où il fallait aller hors de France car Vuarnet y a gardé un capital sympathie énorme. Par rapport à la France, nous avons l’avantage ici que la marque se soit totalement retirée du marché américain au milieu des années 1990. Elle n’a pas eu à subir la lente érosion et dégradation qu’on a connues en France”.
Comme les Adidas Vintage et bien d’autres, Vuarnet vise à la fois les nostalgiques qui veulent retrouver les produits de leur jeunesse, et leurs enfants. Quelques mois après l’arrivée sur le marché américain, le succès est déjà au rendez-vous: “nos meilleurs ventes sont justement deux produits “vintage”, la Glacier et la 002”. La boutique en ligne américaine vend déjà considérablement plus qu’en France, après seulement deux mois d’activité.
Prochaine étape du retour américain, l’ouverture de la première boutique à l’étranger, à New York, dans le quartier de Soho (39 Spring Street). “Il est nécessaire de disposer d’un magasin “flagship”, explique Lionel Giraud. Même les marques qui ne vendent qu’en ligne le font, et notamment à New York: c’est un “marqueur d’ambitions”. Et des ambitions, le patron de Vuarnet en a: outre l’ouverture de la boutique -prévue le 14 juillet pour hisser bien haut ses couleurs qui sont aussi celles du drapeau français-, il s’apprête à se relancer dans le textile, avec l’objectif de “devenir une marque lifestyle”.
Cela a commencé il y a quelques mois avec une collaboration aux Etats-Unis avec Noah, la marque d’un des papes américains du street wear, Brendon Babenzien, ancien designer de Supreme. La collection, très instagrammée, a beaucoup contribué au retour gagnant de Vuarnet aux US. Elle précède l’arrivée avant l’hiver prochain de vêtements de ski. Avec un pari: que le look “prof de ski de Courchevel” (Vuarnet habille toujours les grandes écoles de ski en France) séduise aussi à Aspen et ailleurs.