[Article partenaire] Si l’expatriation peut être un projet parental, il a naturellement un impact sur les enfants. L’apprentissage d’une autre langue et culture, l’ouverture d’esprit et l’aventure d’une vie sont souvent des motivations au déménagement d’une famille à l’étranger. Lors duquel il peut y avoir de bonnes surprises, comme une naissance dans le pays d’expatriation. Mais comment protéger ses enfants lorsqu’on est loin de chez soi ? Comment faire lors d’une séparation ? Comment rentrer en France avec ses enfants ?
Pour répondre à toutes ces questions, le Cabinet CM&A – Chauveau Mulon & Associés a imaginé les aventures de Madame VENUS et de Monsieur MARS. Sur les trois chapitres de cette histoire, le premier était consacré au « divorce et expatriation : compétence et loi applicable décryptées », le deuxième à l’« expatriation et mariage : le régime matrimonial à l’épreuve des frontières franco-américaines ». Quant au troisième, il s’intéresse cette fois-ci aux enfants du couple.
Rappelez-vous : Madame VENUS et Monsieur MARS, tous deux Français, se sont mariés en France où ils ont vécu pendant deux ans après leur mariage.
Ils ont ensuite déménagé à New York, où ils ont habité pendant près de 15 ans. Ils y ont eu un fils, Sirius, aujourd’hui âgé de 8 ans. Madame VENUS et Monsieur MARS se sont par la suite séparés.
Madame VENUS, qui avait initialement accepté de s’installer à New York en raison des opportunités professionnelles de son époux, est retournée en France où elle s’est définitivement installée avec Sirius ; Monsieur MARS est resté à New York. Après six mois en France, Madame VENUS a décidé de lancer une procédure de divorce.
Tout d’abord, il y a ce qu’on appelle en France l’autorité parentale qui représente l’ensemble des droits et des devoirs que les parents ont pour protéger leur enfant, veiller à son bien-être, sa santé, sa sécurité, son éducation jusqu’à ce qu’il devienne majeur.
Le principe est que l’autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents. A New York par exemple, on parle de legal custody. Contrairement à la France, l’exercice de la legal custody par les deux parents dépendra de leur situation maritale – son attribution n’est donc pas forcément automatique.
Ensuite, il y a la résidence habituelle de l’enfant, ou appelée physical custody à New York. En d’autres termes, chez qui vivra l’enfant en cas de séparation des parents.
Puis, le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, appelé également visitation à New York. Enfin, la pension alimentaire appelée en France contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant ou à New York le child support.
L’établissement du lien de parenté entre l’enfant et ses parents est crucial, notamment s’agissant des questions liées à l’exercice de l’autorité parentale, la détermination du nom de famille ou le droit de succéder. Ce lien de parenté est appelé la filiation.
Lorsqu’un enfant naît à l’étranger, les parents doivent procéder aux déclarations administratives auprès des autorités locales de l’état civil. Ils obtiennent ensuite un acte de naissance étranger pour l’enfant.
Il est également dans l’intérêt des parents français d’enregistrer la naissance de leur enfant auprès du consulat ou de l’ambassade de France compétente, puisque tout enfant né à l’étranger d’au moins un parent français est considéré comme Français.
La déclaration de naissance au consulat doit être réalisée dans les 15 à 30 jours suivant l’accouchement, selon l’Etat dans lequel est né l’enfant. Si ce délai est dépassé, pas de panique, vous pouvez procéder à la transcription de l’acte de naissance local par l’officier d’état civil de l’ambassade ou du consulat.
Le couple a ainsi donné naissance à Sirius, né à New York, il bénéficie donc des nationalités française et américaine. Madame VENUS et Monsieur MARS étaient mariés à la naissance de leur fils, Monsieur MARS a alors bénéficié de la présomption de paternité à New York. En effet, tout comme en France, il existe une présomption de paternité pour l’époux de la mère de l’enfant.
Si les parents n’étaient pas mariés, alors Monsieur MARS aurait dû réaliser une reconnaissance de paternité afin d’établir le lien de filiation avec Sirius.
Lorsque l’on déménage à l’étranger, il est fréquent d’être loin de sa famille qui réside généralement en France. Les enfants conservent des liens avec leurs grands-parents, oncles, tantes ou cousins lors des vacances ou par le biais des réseaux. Mais que faire en cas d’incapacité ou de décès lorsque la famille est à l’autre bout du monde ? Qui s’occupera des enfants en cas d’accident ?
Si aucun des parents ne peut exercer l’autorité parentale, une tutelle est généralement mise en place pour garantir la sécurité et le bien-être de vos enfants ainsi que la protection de leurs biens. Dès lors, les autorités locales de votre pays d’expatriation décideront de la personne ou des services sociaux qui prendront en charge vos enfants, selon leur propre loi. En pratique, il est difficile d’obtenir le rapatriement en France de vos enfants ou la désignation de l’un des membres de votre famille en tant que tuteur.
Toutefois, il est possible d’anticiper cette situation en désignant par le biais d’un testament ou d’une déclaration spéciale devant notaire, la personne de votre choix pour s’occuper de vos enfants jusqu’à leur majorité.
Certains Etats, comme New-York ou le Texas, reconnaissent la désignation du tuteur par un testament. Afin de garantir votre volonté, il est impératif de s’assurer de la reconnaissance du testament à l’international, notamment en cas de déménagements successifs.
Pour protéger Sirius, Madame VENUS et Monsieur MARS peuvent donc rédiger un testament séparément afin de désigner un tuteur pour leur enfant, pour sa personne et/ou pour ses biens ; en veillant à ce que leurs volontés puissent être reconnues tant à New York qu’en France.
Il a déjà été vu que le juge français est compétent pour statuer sur le prononcé du divorce de Madame VENUS et Monsieur MARS et, en conséquence, sur les obligations alimentaires entre eux (voir le chapitre, divorce et expatriation : compétence et loi applicable décryptées).
Concernant la loi applicable, il a aussi été vu que la loi new-yorkaise est applicable au prononcé de leur divorce, tandis que la loi française est applicable aux obligations alimentaires entre époux (voir le chapitre, divorce et expatriation : compétence et loi applicable décryptées).
Or, dans le cadre de la procédure de divorce qu’elle a lancée, Madame VENUS souhaite également demander que la résidence de Sirius soit fixée à son domicile et que Monsieur MARS bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement.
De plus, elle envisage de demander à Monsieur MARS le versement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius. Pour chacun de ces points, et comme il a été exposé dans les précédents chapitres, il conviendra de déterminer quel est le tribunal compétent et quelle est la loi applicable.
Avant d’y répondre, revenons un peu en arrière… En effet, Madame VENUS a quitté New York et s’est définitivement installée en France avec Sirius, avec l’accord de Monsieur MARS.
À défaut d’un tel accord, l’installation de Sirius en France aurait pu constituer un enlèvement international d’enfants. En effet, la France et les Etats-Unis sont des Etats signataires de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Or, selon cette convention, le déplacement ou la rétention d’un enfant dans un autre Etat que celui de sa résidence habituelle est considérée comme illicite, lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de garde exercé de façon effective au moment du déplacement ou de la rétention.
La notion de droit de garde renvoie à cet égard à l’autorité parentale en France et à la legal custody à New York, et non à la résidence de l’enfant. En d’autres termes, lorsque les parents exercent tous deux ce droit de garde, ils ne peuvent pas transférer la résidence habituelle de leur enfant dans un autre Etat sans l’accord de l’autre ou alors du juge compétent.
Avant de déménager avec votre enfant, il est donc essentiel de demander l’accord de l’autre parent et, en cas d’opposition de sa part, d’obtenir l’autorisation d’un juge.
Le Juge français, compétent pour statuer sur le prononcé du divorce de Madame VENUS et Monsieur MARS, est-il aussi compétent pour statuer sur la responsabilité parentale ?
Pour déterminer si le juge français est compétent pour statuer sur la responsabilité parentale, et plus précisément sur la fixation de sa résidence au domicile de Madame VENUS et le droit de visite et d’hébergement de Monsieur MARS, il convient d’appliquer le Règlement (UE) 2019/1111 du 25 juin 2019, dit Bruxelles II ter.
Ce règlement prévoit qu’en matière de responsabilité parentale (comprenant les questions relatives à la résidence de l’enfant et au droit de visite et d’hébergement de l’autre parent), les juridictions compétentes sont celles de l’Etat membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie.
La notion de résidence habituelle correspond au lieu où se situe le centre de la vie de l’enfant. Pour localiser la résidence habituelle d’un enfant, on peut alors se fonder sur différents critères : la durée et la régularité de son séjour dans un Etat, son lieu de scolarité, son suivi médical, ses connaissances linguistiques, les rapports familiaux et sociaux qu’il entretient dans un Etat, etc.
Par ailleurs, si le règlement se réfère à un Etat membre, c’est parce qu’il ne peut qu’attribuer compétence aux juridictions d’un Etat membre de l’Union européenne.
Ici, Sirius est en France avec Madame VENUS depuis plus de six mois, avec l’accord de Monsieur MARS. Ajoutons qu’il est scolarisé, qu’il a un médecin traitant et qu’il habite à proximité de ses grands-parents maternels.
Dans ces conditions, on peut considérer que Sirius a sa résidence habituelle en France et, par conséquent, que le juge français est compétent pour statuer sur la fixation de la résidence de Sirius au domicile de Madame VENUS et le droit de visite et d’hébergement de Monsieur MARS.
Les parents peuvent-ils choisir le juge compétent pour les questions relatives à leur enfant ? Oui, les parents peuvent par anticipation choisir les juridictions compétentes pour trancher des questions relatives à l’enfant. Il faut alors remplir deux conditions : la première est de désigner des juridictions européennes, la seconde que l’enfant ait un lien étroit avec l’Etat membre dont les juridictions sont sélectionnées. Le lien étroit est en l’occurrence caractérisé lorsqu’au moins un des titulaires de la responsabilité parentale a sa résidence habituelle dans l’Etat membre en question, que l’enfant avait précédemment sa résidence habituelle dans cet Etat ou que l’enfant a la nationalité de cet Etat.
Dans le cas de Madame VENUS et Monsieur MARS, les parents auraient pu prévoir que les juridictions françaises seraient compétentes pour connaître des questions relatives à Sirius.
Le Juge français, compétent pour statuer sur la responsabilité parentale, va-t-il automatiquement appliquer la loi française ?
Afin de déterminer si la loi française peut s’appliquer à la fixation de sa résidence au domicile de Madame VENUS et le droit de visite et d’hébergement de Monsieur MARS, il faut appliquer la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants. En effet, bien que les Etats-Unis n’aient pas ratifié cette convention, elle est applicable dans tous les Etats signataires et par conséquent, en France.
Cette convention prévoit que les questions relatives à la responsabilité parentale soient régies par la loi de l’Etat de la résidence habituelle de l’enfant. Pour localiser cette résidence, les critères précités peuvent une nouvelle fois être appliqués.
En l’espèce, Sirius a sa résidence habituelle en France, c’est donc la loi française qui sera appliquée par le juge français pour les questions portant sur la fixation de la résidence de l’enfant au domicile de Madame VENUS et le droit de visite et d’hébergement de Monsieur MARS.
Le juge français, compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre époux, est-il aussi compétent pour statuer sur les obligations alimentaires à l’égard de Sirius ?
Pour déterminer si le juge français est compétent pour statuer sur les obligations alimentaires à l’égard de Sirius, il convient d’appliquer le Règlement (CE) 4/2009 du 18 décembre 2008, dit « Aliments », déjà évoqué dans les précédents chapitres.
Ce règlement prévoit que les juridictions compétentes sont celles de l’Etat membre dans lequel le défendeur à l’action a sa résidence habituelle ou celles de la résidence habituelle du créancier de l’obligation alimentaire. En France, la jurisprudence considère à cet égard qu’en la matière, c’est le parent qui sollicite une contribution à l’entretien et à l’éducation qui est le créancier.
Monsieur MARS est défendeur à l’action, mais il vit aux Etats-Unis. Les Etats-Unis n’étant pas un Etat membre de l’Union européenne, il n’est pas possible de fonder une compétence sur le règlement « Aliments ».
Toutefois, Madame VENUS est ici créancière de l’obligation alimentaire. En effet, elle est le parent qui sollicite une contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius. Par ailleurs, et dans la mesure où Madame VENUS vit en France depuis plus de six mois, on peut – de la même manière que Sirius – considérer qu’elle a sa résidence habituelle en France. Le juge français est alors compétent pour statuer sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius.
Le règlement « Aliments » prévoit également que les juridictions d’un Etat membre qui seraient compétentes pour statuer sur « une action relative à l’état des personnes » (ce qui renvoie ici à une action en divorce) ou une « action relative à la responsabilité parentale » sont compétentes pour statuer sur les obligations alimentaires à l’égard des enfants, sauf si leur compétence initiale est uniquement fondée sur la nationalité d’une des parties.
Il a été vu, le juge français est compétent pour statuer sur le prononcé du divorce de Madame VENUS et Monsieur MARS, ainsi que sur la responsabilité parentale. Cette compétence n’étant pas uniquement fondée sur la nationalité française des parties, le juge français est donc également compétent pour statuer sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius.
Les parents peuvent-ils choisir le juge compétent pour la pension alimentaire de l’enfant ? Non, le choix des juridictions compétentes n’est pas autorisé pour les litiges portant sur une obligation alimentaire à l’égard d’un enfant de moins de 18 ans.
Afin de déterminer la loi applicable aux obligations alimentaires à l’égard de Sirius, il convient de nouveau d’appliquer le règlement « Aliments ». Pour la loi applicable, le règlement renvoie à cet égard, dans les Etats membres signataires, à l’application du Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires. La France est un Etat signataire de ce texte, qui prévoit que les obligations alimentaires soient régies par la loi de l’Etat dans lequel le créancier de l’obligation alimentaire en cause a sa résidence habituelle.
Comme indiqué ci-dessus, Madame VENUS a sa résidence habituelle en France et elle est créancière de l’obligation alimentaire. Ainsi, la loi française est applicable à la contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius.
Comme pour la compétence, le choix de loi n’est encore une fois pas autorisé pour les litiges portant sur une obligation alimentaire à l’égard d’un enfant de moins de 18 ans. Madame VENUS et Monsieur MARS ne peuvent donc pas choisir la loi applicable à la contribution à l’entretien et à l’éducation de Sirius. Si un tel choix avait été possible, Madame VENUS aurait pourtant pu avoir intérêt à ce que la loi new-yorkaise soit choisie par les parties. En effet, on estime généralement que le montant du child support new-yorkais est plus élevé – et donc, plus attrayant – que le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation française.
Naturellement, les parents peuvent avoir un accord tant sur l’exercice de l’autorité parentale, que sur la résidence habituelle de l’enfant, le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent et sur la pension alimentaire.
Dans ces conditions, il vous est possible de rédiger un protocole d’accord entre les deux parties. Toutefois, et principalement lorsque l’un des parents vit à l’étranger, il est conseillé de faire homologuer cet accord devant le juge compétent. Si cet accord intervient dans le cadre d’un divorce, il est vivement conseillé de le faire également homologuer par le juge compétent. En effet, afin que les accords puissent circuler entre deux voire plusieurs Etats, il convient d’avoir un jugement d’homologation afin de maximiser les chances de reconnaissance, car un simple document signé n’aura pas la même valeur qu’un jugement selon les Etats.
Le déménagement familial ou une naissance à l’étranger implique de nombreuses questions pour ses enfants. De l’anticipation, à la protection, à l’accompagnement dans le cadre d’un accord ou devant le Juge, le Cabinet CM&A – Chauveau Mulon & Associés et son service EXPATS by CM&A sont à votre disposition pour vous accompagner.
Un article rédigé par Juliette RICHARD, Flavien RICOU, Samuel LELLOUCH, Morghân PELTIER.
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