Depuis quatre ans, le catamaran Energy Observer sillonne les mers du globe avec l’ambition de prouver que la décarbonation du secteur maritime est possible, en fonctionnant uniquement aux énergies renouvelables : solaire, éolienne, hydrolienne, et hydrogène. Après une première escale américaine à Long Beach en avril, le bateau est venu poser ses voiles à San Francisco du 6 au 13 mai. “C’est particulièrement important pour nous de venir ici, afin de rencontrer les acteurs des changements que nous préconisons : la Californie a une politique volontariste d’utilisation des énergies renouvelables, il existe d’ailleurs une autoroute de l’hydrogène, avec de nombreuses stations le long de la côte“, souligne Lorène Blottière, chargée de communications du bateau. La Californie est le seul Etat américain à posséder un réseau de plus de 40 stations de recharge en hydrogène réparties principalement entre San Diego et San Francisco, et même jusqu’au lac Tahoe, avec pour objectif d’atteindre les 200 stations en 2022.
L’Energy Observer est né de l’imagination du marin Victorien Erussard, officier dans la marine marchande et participant à des courses nautiques de renom. Son but est de réduire les émissions de carbone du transport maritime en mettant en avant l’utilisation d’énergies renouvelables. Il transforme à cet effet un ancien bateau de course construit sous la supervision du skipper Mike Birch, et qui a remporté le Trophée Jules-Verne en 1994 avec l’équipage barré par Peter Blake, en un bateau “vertueux”. Nicolas Hulot parraine le projet et le bateau est mis à l’eau à Saint -Malo en 2017.
Il a déjà parcouru la Méditerranée, l’Atlantique et s’attaque désormais au Pacifique, le tout sans polluer ni faire de bruit. “Energy Observer compte 202 mètres-carrés de panneaux solaires, que nous avons améliorés au fur et à mesure des navigations“, explique Lorène Blottière. “La plupart sont maintenant anti-dérapants, ce qui rend les déplacements sur le bateau beaucoup plus faciles, et nous avons également des panneaux bi-faces entre les flotteurs et la cabine pour capter les rayonnements solaires qui se reflètent sur la mer.” L’Energy Observer peut également compter sur la force du vent qui met en action des “ocean wings”, des ailes de propulsion verticales situées sur les côtés du bateau, ainsi que l’énergie. Enfin, l’électrolyse de l’eau de mer permet de générer de l’hydrogène, qui est ensuite compressé pour être stocké et utilisé en renfort des énergies solaire et éolienne. “En général, on utilise 40% de solaire, 40% d’éolien et seulement 20% d’hydrogène“, souligne Marin Jarry, commandant en second du bateau. Un des avantages de l’hydrogène est sa légèreté, qui permet de réduire le poids total du bateau de 14 tonnes, et par conséquent sa consommation d’énergie.
La pandémie de COVID a modifié les plans de navigation du bateau mais il n’était pas question d’abandonner la mission de l’Energy Observer en cours de route : “Nous sommes partis quelques jours avant le début du confinement. Comme nous ne pouvions plus nous arrêter dans les ports qui devaient nous servir d’escales, notre traversée transatlantique s’est transformée en une odyssée de 47 jours de mer, et tout cela en autonomie“, relate Marin Jarry.
Chaque traversée est l’occasion d’enrichir les discussions autour des énergies renouvelables, de nouer de nouveaux partenariats et de tester les limites du bateau : “Nous ne le ménageons pas : le matériel est soumis à la corrosion de l’eau de mer et des conditions extrêmes, comme naviguer jusqu’au cercle polaire arctique…” La prochaine étape pour l’Energy Observer sera Hawaii, avant de mettre le cap sur le Japon pour les Jeux Olympiques. Le bateau bouclera son tour du monde dans trois ans, après avoir visité une cinquantaine de pays et espère bien accélérer la transition énergétique dans les transports : “On imagine déjà des applications des techniques expérimentées avec Energy Explorer, par exemple en anticipant les normes futures dans des milieux protégés où il est important de pouvoir se déplacer tout en respectant l’environnement. Depuis la définition des 17 objectifs de développement durable adoptés par les membres de l’ONU en 2015, nous avons vu de grands progrès, en particulier, l’allocation, fin 2020, d’une enveloppe de 7 milliards d’euros pour permettre à la France de devenir un acteur mondial de l’hydrogène à l’horizon 2030.“