Comment raconter ce que vivent les filles aujourd’hui? Et comment en faire un spectacle, un vrai, à la New-Yorkaise, avec comédie, danse et chant? Réponse: en créant “Emotional Creature”. Cette pièce, écrite par Eve Ensler et mise en scène par Jo Bonney, réussit tout cela à la fois, en 90 minutes de monologues successifs. Et sans ennuyer le spectateur ne serait-ce qu’une minute.
Six jeunes actrices incarnent des adolescentes de part le monde. Elles expriment des tourments aussi banals que l’angoisse d’être rejetée par le groupe de filles “cool” du lycée, l’obsession de son image (une ado passe son temps à se prendre en photo avec son smartphone), ou l’embarras de la première fois, quand il faut demander à son petit ami d’utiliser un préservatif.
Mais la pièce donne aussi la parole – et quelle parole!, forte, grave, émouvante – à des jeunes filles aux vies ravagées. Joaquina Kalukango frappe au coeur avec l’histoire d’une Congolaise kidnappée à 16 ans, un jour de shopping à la capitale, réduite à l’état d’esclave sexuelle par un des soldats de ce pays sans lois. Olivia Oguma joue sur la corde drôle-acide dans le rôle d’une Chinoise illettrée, exploitée depuis l’enfance dans une usine à Barbies, dont elle fabrique inlassablement les têtes. Emily Grosland excelle en jeune “WASP” modelée par ses parents en vue d’une existence oh so perfect!, avec blondeur, blancheur et mariage. Elle explose.
Eve Ensler, auteur militante de la pièce mondialement acclamée “Les monologues du vagin”, joue une nouvelle fois sur ses convictions. Des critiques ont jugé que les questions abordées étaient datées: violence envers les femmes, droit à la mini-jupe, être propriétaire de son corps, de ses pensées, le féminisme aurait dépassé ces questions depuis longtemps. Malheureusement, rien n’est moins sûr.
Et à voir l’engouement du public, emporté par l’élan et l’énergie militante du show, on dirait bien que “Emotional Creature” fait mouche. Même chez les garçons.
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C’est dans l’air du temps et ce sont des questions que se sont posés les adolescents ou pas depuis fort longtemps.La seule différence c’est qu’une femme a eu le courage et le génie de présenter ces questionnements sous forme de pièce théâtrale, ce qui a aidé à faire passer des sujets de société difficiles car TABOU. Bravo à l’ensemble qui a su rendre vivant et crédible ces problèmes qui nous concernent tous.