Depuis sa première “galerie”, ouverte à 20 ans dans son appartement, Emmanuel Perrotin s’est fait une spécialité de découvrir des artistes méconnus, artistes qui ont ensuite assuré le succès de ce galeriste auto-didacte, charmeur et vendeur hors-pair. Les Japonais Takashi Murakami et Mariko Mori ont, parmi bien d’autres, débuté chez lui, bientôt rejoints par des noms déjà confirmés, tels Damien Hirst ou Sophie Calle.
C’est cette “french touch” qu’il avait décidé d’amener à Miami en ouvrant, en 2005, une galerie dans un immense entrepôt de 1300 mètres carrés. “C’était un positionnement stratégique, il est évident que si j’avais été la cinquantième galerie de New York ça n’aurait pas eu beaucoup d’intérêt” se souvient-il. Une association avec Cathy Vedovi, collectionneuse et fille et épouse de marchand d’art, lui avait permis de franchir le pas. Mais c’était avant la crise. Depuis, en décembre 2008, Perrotin a décidé de “mettre en sommeil” sa galerie de Miami.
French Morning: Est-ce la crise qui vous a conduit à mettre votre galerie en sommeil l’an dernier?
Emmanuel Perrotin: Depuis cette crise du marché de l’immobilier à Miami, l’ambiance n’est pas à la fête toute l’année. Mais en réalité, j’avais pris cette décision avant la crise. Je me suis apercu que je vendais mieux à la communauté des collectionneurs de Miami lorsque je n’avais pas de galerie ici! Ils n’ont vraiment pas été solidaires. C’est un peu dommage, dans leur esprit, je suis devenu une galerie locale donc une mauvaise galerie !
Pour ces différentes raisons, nous avons donc décidé l’année dernière de suspendre notre programmation à Miami et de n’être présent que pour la foire.
Nous aimerions vendre ce lieu exceptionnel. Pour monter un musée privé, par exemple, ce serait un outil fantastique. Depuis que j’ai ce bel espace à Paris rue de Turenne, Miami apparaît comme «surdimensionné». C’est un bâtiment très lourd à gérer. Nous étions en pourparlers avec 2 autres galeries pour partager la programmation et cela n’a pas abouti.
Est-ce que la crise à changé votre façon de travailler ?
J’ai fait un choix particulier dès le début de cette crise: «ça passe ou ça casse». J’ai donc décidé de prendre tous les risques, car ce n’est pas intéressant de dire à des artistes qu’ils n’ont que des bouts de ficelles pour exposer. Nous avons par exemple investi 500 000 euros dans l’expo de Xavier Veilhan à Versailles.
Nous avons été également raisonnables en baissant le prix de certains artistes dès le début de la crise et l’on en ressort plus fort.
Comment sélectionnez-vous vos artistes ?
Je n’aime pas lorsqu’un artiste vient me solliciter directement sur une foire en me flattant, les artistes ne savent pas se vendre, c’est désespérant, ils devraient se contenter de faire un travail exceptionnel. Il y aura toujours quelqu’un pour venir nous en parler si leur travail est bon. Un artiste qui démarche lui-même se met en position de faiblesse.
Maintenant la galerie peut exposer des artistes consacrés, lorsqu’on prend un artiste c’est bien sûr parce qu’on aime son travail et que l’on espère l’aimer à long terme.
Nos artistes doivent être complémentaires : des artistes dont le travail est extrêmement efficace visuellement peuvent occulter ceux dont le travail est plus conceptuel,
Nous représentons volontairement plusieurs styles d’artistes, c’est comme une soirée où vous n’écouteriez que de la techno c’est ennuyeux.
Comment vous préparez-vous pour Art Basel ?
C’est une catastrophe d’entendre parler de Art Basel, ça nous fatigue, parlez moi de la foire de Miami! Art Basel c’est en Juin à Bâle ! La foire de Miami est un des endroits où l’on croise les plus grands collectionneurs au monde et c’est un prétexte pour convaincre les grands artistes de nous donner des super pièces.
Nous avons par exemple 3 pièces monumentales de Takashi Murakami. Il ne faut pas oublier que nous sommes là avant tout pour représenter des artistes vivants. Si je vends 3 tableaux, je vais faire une foire exceptionnelle en termes de résultat financier mais je ne serai pas satisfait car il y a beaucoup de jeunes artistes qui comptent sur moi et qui espèrent que j’obtienne des résultats pour eux, comme par exemple Lionel Estève.
Il faut surtout être en forme car nous faisons à la fois un travail de fou et la fête toute la nuit !
-Dans le cadre de Art Basel Miami, la galerie Emmanuel Perrotin présente ses œuvres sur le stand G09.
-Exposition à la Galerie (194 NW 30th St, Miami) du 1er décembre au 9 janvier: Matthew Day Jackson, Bernard Frize, Lionel Esteve, Kolkoz, Xavier Veilhan, Ivan Argote, Daniel Firman, Mathieu Mercier