L’occasion était trop belle pour ne pas être saisie. Le genre de nouvelle qui tombe parfaitement à pic au moment de rencontrer des Français de l’étranger. « Je m’exprime devant vous dans un moment très important, celui où notre baguette a été reconnue patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco », a lâché Emmanuel Macron devant les quelque 1200 personnes venues l’écouter à l’ambassade de France, mercredi 30 novembre à Washington. « Dans ces quelques centimètres de savoir-faire passé de main en main, il y a exactement l’esprit du savoir-faire français, c’est quelque chose d’inimitable. » La reconnaissance, annoncée quelques heures plus tôt par l’organisation onusienne, a aussitôt déclenché un tonnerre d’applaudissements dans la salle. L’effet attendu sur une audience aussi bien acquise au chef de l’État qu’à la mie moelleuse.
La séquence parfaitement préparée et écrite « comme pour un late show américain avec une touche française », selon l’expression d’un entrepreneur du Colorado, Omar-Pierre Soubra, et qui a détendu, d’un coup, le ton jusque là plutôt solennel du discours d’Emmanuel Macron, interrompu par la remise d’une baguette par Stéphane Grattier, chef boulanger de Boulangerie Christophe de Georgetown. « C’était très drôle, particulièrement ici, dans une ville où il est difficile de trouver une bonne baguette », commentait en souriant Lary Grossman, un Américain francophile, qui avouait toutefois un point de vue biaisé : son fils travaille justement à la boulangerie washingtonienne.
« Quand on est dans la gastronomie, ça fait très plaisir » reconnaissait Frédéric Vieil, le fondateur d’Hexagone, une entreprise qui promeut des produits français à Boston. Une formidable opportunité également pour le chef de l’État de reprendre son bâton de startupper-en-chef devant ses compatriotes : « De l’espace à la tech, il y a cette French Touch, un petit savoir faire en plus et une part d’âme en plus », lançait-il. « Il faut que l’on garde cette énergie de l’entrepreneuriat, c’est une force ! », s’exclamait Anne de Broca Hoppenot, consule honoraire du New Jersey et mère de jeunes entrepreneurs. Même l’écrivain Florian Zelle, membre de la délégation officielle et tout juste débarqué de Californie, parlait d’un discours « qui a la vocation à relever l’enthousiasme et l’énergie… et on en a bien besoin ».
Dans un discours largement consacré à la diplomatie – guerre en Ukraine, Chine -, au protectionnisme américain qui pénalise les entreprises françaises et européennes avec le « risque d’une fragmentation de l’Occident », la mise en valeur du savoir-faire made in France semblait réchauffer les cœurs de la communauté française. « Quand on parle des relations franco-américaines, on pense souvent aux relations politiques, mais je travaille pour une entreprise française qui essaie de faire rayonner la France avec son expertise spatiale », soulignait une employée d’Arianespace à Washington, Laetitia Brock, avouant s’être « reconnue » dans le message d’Emmanuel Macron.
Les nombreux enseignants dans la salle semblaient sensibles, en toute logique, au plan « pour la langue française et le plurilinguisme » du chef de l’État et l’annonce d’un fonds French for All pour « soutenir l’apprentissage du français partout où il est en jeu aux États-Unis » de la maternelle à l’université. « C’est une excellente initiative de renforcer les programmes d’immersion existants et abordables », relevait Aurélie Johnson, une enseignante de la région de Washington, qui a elle même fait profiter ses enfants d’un programme bilingue du Maryland.
En avalant les petits fours et le champagne, chacun retenait un « moment spécial » de cette rencontre avec le chef de l’État – qui s’est accordé un bref bain de foule à l’issue de son discours avant de rejoindre, avec Brigitte, le couple Biden dans un restaurant italien de la ville. « Émouvant d’y retrouver autant de monde » estimait Adriana Agbo, qui ne regrettait pas d’avoir fait le voyage depuis New York. « Un grand honneur » déclarait pour sa part l’écrivain américain francophile Douglas Kennedy, qui, avouait-il à French Morning – ne connaissait pas Emmanuel Macron avant de devenir son « invité personnel » pour cette deuxième visite d’État. « Mais au final, résumait Omar-Pierre Soubra du Colorado, ce que retiendront les gens ici, c’est l’épisode de la baguette ».
(Avec Nastasia Peteuil)