Emmanuel Itier a tout pour être heureux. Un documentaire « Femme », récompensé plus d’une vingtaine de fois dans les différents festivals où il a été projeté (encore la semaine dernière au Life Expo de Los Angeles), et une productrice au nom prestigieux, Sharon Stone, au soutien indéfectible.
Et pourtant, le cinéaste et producteur installé à Santa Barbara connaît actuellement des heures sombres et quelques difficultés financières. En cause, la quasi-absence de commandes pour son documentaire, dans lequel il avait investi la grande majorité de ses deniers.
« ‘Femme’ a été un succès total si l’on se place sur le strict plan des festivals-awards-couverture médiatique », explique-t-il. « Malheureusement, cela ne s’est pas traduit par la moindre vente sur les grands marchés. Un seul pays, minuscule, Taïwan l’a acquis. Et par ailleurs, ‘Femme’ n’a pas assez généré de volume en termes de clics internet et de téléchargements. Résultat : aucun revenu ! »
L’intéressé refuse toutefois la fatalité et enchaîne les projets pour engranger des fonds, quitte à brouiller les pistes. Au printemps dernier, il se trouvait ainsi derrière la caméra d’un film d’horreur intitulé « Attila », avec le boxeur français Cheick Kongo, avant de prendre la direction de Hong Kong pour y produire « Red Passage », une chronique dramatique sur l’itinéraire d’un étudiant durant la révolution communiste chinoise.
Mais en dépit de cette débauche d’énergie, ses poches restent désespérément vides. « Actuellement, professionnellement, je suis totalement fauché. Et même sur le plan personnel, c’est tendu, car mon salaire sur le film ‘Attila’ était au ras des pâquerettes ! L’heure est grave, alors je me bouge pour lever de l’argent sur mes prochains films. »
Emmanuel Itier bénéficie dans cette entreprise du soutien inconditionnel de Sharon Stone, marraine prestigieuse, caution artistique et centre d’attention pour les éventuels acheteurs du documentaire. A celle-ci se joignent, entre autres, les chanteuses Rickie Lee Jones et Yoko Ono, ou l’activiste et humaniste Shirin Ebadi.
Parallèlement, l’intéressé assure toujours la promotion de son documentaire, espérant pouvoir séduire de nouveaux acheteurs. Une nouvelle tournée sur le marché américain est prévue en mars prochain. Elle le mènera le 6 à San Francisco, le 8 à Aruba, puis le 10 à New York. « Comme sur mon précédent documentaire ‘The Invocation’, la critique nous encense, mais les professionnels nous délaissent… Bref, nous sommes condamnés à mourir ou à nous placer sur le marché des films d’action ou des comédies romantiques. »
Seule consolation à l’heure actuelle, son nouveau film « Red Passage », sorti le mois dernier, a déjà été retenu dans la sélection du festival international de Palm Beach (Floride), du 3 au 10 avril. « Cela lui garantit un peu d’exposition et de bonnes critiques, estime Emmanuel Itier. Mais parfois, j’aimerais que mes films soient un peu moins appréciés, mais mieux vendus. Cela m’éviterait quelques angoisses et nuits blanches. »
Philosophe, le cinéaste conclut dans un clin d’oeil : « J’ai survécu 25 ans dans la jungle de fous d’Hollywood. J’ai donc toutes les raisons de croire que les 25 prochaines seront celles de mon âge d’or ! »