Avec près de 2,5 millions de spectateurs, il a constitué le plus gros succès du cinéma français l’an dernier. « Simone, le voyage du siècle », le biopic d’Olivier Dahan rebaptisé « Simone, Woman of the Century », sort à New York et Los Angeles ce vendredi 18 août. Pour celle qui a porté le film et qui incarne son héroïne, Simone Veil, c’est une étape importante. « Je suis hyper fière que ce film sorte aux États-unis, de faire découvrir aux Américains la destinée incroyable de cette femme », explique Elsa Zylberstein depuis la France, lors d’une interview par zoom.
Le film, que l’actrice a co-produit, retrace la vie de l’ancienne ministre de la Santé et académicienne, de son l’enfance à sa déportation à 16 ans dans l’horreur des camps d’extermination d’Auschwitz, de sa carrière de magistrate à celle de la femme politique pro-européenne marquée par la loi historique du 17 janvier 1975 légalisant l’IVG en France. « Honnêtement, quand j’ai voulu faire le film, assure Elsa Zylberstein, j’étais loin d’imaginer qu’il aurait un tel écho dans le monde aujourd’hui, que le droit à l’avortement allait être autant remis en cause aux États-Unis et ailleurs. »
Il lui a fallu un an pour se glisser totalement dans les pas de l’ancienne ministre. Des heures d’archives visionnées pour adopter « chaque geste, chaque intonation, chaque battement de cils, chaque ravalement de salive, chaque respiration », pour entrer littéralement dans ses chaussures – durant des mois, la comédienne a marché avec les petites Chanel bicolores adoptées par Simone Veil -, a porté ses tailleurs que Chanel a recréés pour le film, réimprimant les tissus de l’époque.
Une transformation physique spectaculaire, entre prise de poids (9 kilos) et longues heures de maquillage quotidiennes afin de jouer au plus près Simone Veil, de ses 35 à 87 ans (Simone Veil jeune est incarnée par Rebecca Marder). « Je voulais absolument changer de visage, j’ai la tête plus longue qu’elle, moins triangle. Je voulais disparaître et devenir “Elle” », explique Elsa Zylberstein, prenant pour modèle Gary Oldman dans son rôle de Churchill. La comédienne a d’ailleurs travaillé avec le professeur de l’Actors Studio Jack Waltzer.
Sortir de ses pas n’a pas été plus facile. « Quand ça devient une seconde nature de parler comme elle, de penser comme elle, ça laisse des traces – et tant mieux ! », s’exclame l’actrice qui ne se lasse pas d’évoquer « la force, la puissance et l’intransigeance » de Simone Veil dans ses combats. « On est tous lâches parfois… l’intransigeance de cette femme ! Quand elle s’est insurgée pour les conditions de vie en prison ou pour la Yougoslavie… je me dis : qui est là pour s’insurger pour les Ukrainiens ? »
Elsa Zylberstein a rencontré Simone Veil à plusieurs reprises. La première fois, c’était en 2007 à Paris, lors d’une remise de prix organisée par l’université hébraïque de Jérusalem. Elles se sont vues plusieurs fois avant la mort de l’ancienne présidente du parlement européen, le 30 juin 2017. L’actrice prend son temps, pèse ses mots pour évoquer la femme qui repose aujourd’hui au Panthéon et qu’elle admire. « On me disait qu’elle était froide, froide, froide…. Moi, j’ai ressenti tout le contraire. Quand je l’ai vue, dans ses yeux, je voyais l’émotion. On avait toujours l’impression qu’elle avait des larmes dans les yeux. »
À propos des critiques, parfois acerbes, dans la presse française lors de la sortie du film l’automne dernier, Elsa Zylberstein dit « s’en tamponner le coquillard ». Elle espère simplement que les Américains sauront découvrir une femme, rescapée de la Shoah, au destin « unique ». Il n’y finalement pas beaucoup de femmes politiques américaines de son envergure aux États-Unis. Le film sort en salle à New York (Angelika Theater) et à Los Angeles (Laemmle Royal Theater) ce vendredi 18 août, avant d’être disponible en streaming sur Itunes, Amazon et Google.
« J’aimerais que les Américains se disent “Wow, voilà un parcours de femme incroyable qui me donne des ailes, qui montre qu’il n’y a pas de fatalité”, conclut Elsa Zylberstein. Tu peux transformer ta vie, d’où que tu viennes. Quand tu démarres ta vie dans la merde, tout est possible, aussi. C’est ça, le message de Simone Veil. »