Les Ateliers de l’Art avec Elodie Vidal donnent des couleurs à l’Alliance Française de la Silicon Valley. À partir du samedi 7 novembre, l’historienne d’art diplômée de l’École du Louvre de Paris, propose des e-conférences d’une heure pour aborder des sujets inédits avec des jeunes de 8 à 15 ans. Au programme : les chefs d’œuvres grecs dans leurs couleurs originelles (non, ils n’aimaient pas le blanc), les chaussures à semelles rouges, de Louis XIV à Christian Louboutin, ou encore le sourire (pourquoi se montrer si sérieux dans les portraits ?).
Les parents sont eux-aussi invités à assister à ces sessions. L’objectif : susciter la curiosité et développer un regard réfléchi sur les œuvres et leurs contextes historico-culturels. « Je veux que le public comprenne que l’art des époques précédentes n’a rien de poussiéreux, ni de dépassé. L’art ancien a été actuel et contemporain, il ne faut pas l’oublier ! Aujourd’hui par exemple, ce que l’on appelle une superstition était à l’époque un savoir… » explique l’historienne d’art en toute humilité.
Voilà l’état d’esprit avec lequel Elodie Vidal remet l’histoire au goût du jour. Elle démontre que l’on n’invente rien, ou si peu. Que l’on recrée sans cesse et que les best-sellers évoluent avec le temps. Pour ce faire, elle ramène des œuvres anciennes dans notre proximité et les rend familières grâce à des associations percutantes. « Les gens retiennent les anecdotes alors j’en utilise souvent. Par exemple, j’explique qu’un recueil de médecine d’époque équivaut aujourd’hui à une chaîne Youtube. Ça marche bien !» raconte l’experte.
Cette historienne d’art de 37 ans, spécialiste en iconographie se destinait au départ à réhabiliter des monuments historiques. Puis elle s’est passionnée pour l’étude des motifs, concepts et symboles dans les œuvres d’art. Elle en a fait le fil rouge de sa carrière et décrypte aujourd’hui par ce biais les croyances, systèmes politiques et us et coutumes des sociétés. « Ce que j’aime vraiment, c’est prendre des motifs banals et retracer leurs constructions sociales grâce à un travail d’observation et d’enquête » précise t-elle.
Le cycle de conférences précédent organisé par l’Alliance Française de la Silicon Valley abordait par exemple le bain et la toilette, avec une perspective remontant à plus de 200 ans. Et parmi les autres thèmes qu’Elodie Vidal explore, il y a la pomme, la folie, l’étrange ou le scandale. Des sujets qu’elle a travaillés au fil de ses voyages et expatriations. « J’ai voulu questionner mon bagage et élargir le prisme de culture patrimoniale dont je disposais. Alors j’ai quitté la France » confie l’historienne.
Guidée par sa curiosité, Elodie Vidal s’installe d’abord à Copenhague où elle passe sept années et apprécie l’audace qui s’exprime dans les milieux de l’art et de l’architecture. Puis elle enchaîne par une année à Bangkok avant de suivre son mari à San Francisco en 2018. « Je ne connaissais rien de la culture américaine, c’était la chance de découvrir son point de vue sur l’Europe » explique-t-elle.
Mais ce que la Française découvre rapidement, c’est avant tout une autre vision de l’art. « Le rapport à l’espace et au temps est différent ici » assure-t-elle avant de souligner une autre différence majeure : celui du financement de l’Art. Elle précise : « en France, l’État subventionne l’art et il s’expose sur scène ou en galeries. Ici, pas de ministre de la culture ni fonds publics ! On se place dans le domaine de la rentabilité. Et dans les musées, il s’agit d’ailleurs la plupart du temps de collections appartenant à des fonds privés… ».
Selon l’historienne, fascinée par la gestion de l’art aux États-Unis, il s’agit d’un secteur polarisé : « On se place soit dans le champ du divertissement, avec grand public et exigence à la baisse, soit dans le très exclusif et confidentiel, peu accessible… ». Afin d’offrir une alternative à ce schéma et amener l’art en terrain public, Elodie Vidal co-fonde alors un collectif artistique. Et six mois après son arrivée, elle lance Loud Spring avec l’idée d’œuvrer pour la justice sociale et environnementale.
Le collectif a déjà organisé divers évènements, tables rondes et performances autour de projets participatifs comme lors de la Nuit des Idées. « Avec le collectif, j’ai envie de montrer comment l’art est révélateur des modes de pensées de notre société et comment l’artiste en est un artisan » détaille la spécialiste. Fin novembre, Loud Spring organisera en partenariat avec la Saint Joseph’s Arts Society un évènement autour de cette question : comment convoque-t-on la justice sociale et l’environnement dans le débat politique ?
Curieuse insatiable et agitatrice d’idées, Elodie Vidal travaille également à la French American Culture Society, notamment pour la Villa San Francisco, inaugurée en 2020. Elle y promeut les résidences d’artistes. Ainsi présente sur de nombreux fronts, elle peut défendre sa vision de l’art comme tribune. « L’art peut sauver le monde et j’aimerais vraiment aider à le remettre au cœur de la société ” lance t-elle. Avec une actualité qui s’annonce tout aussi chargée en 2021 qu’en cette fin d’année, l’historienne d’art remplit sa mission avec brio.