“Dix ans plus tard, qui l’eût cru?” En 2009, Gabrielle Durana crée EFBA (Education Française Bay Area), une association destinée à offrir programmes périscolaires et centres aérés en français aux enfants de la région de San Francisco. Une décennie plus tard, elle tire un bilan largement positif: “A la rentrée, nous serons présents dans 20 villes de la Bay Area. Chaque année, EFBA accueille près de 1.000 enfants, dont environ 450 en after school, et le reste en centres aérés l’été.”
Afin de célébrer ses dix ans et d’entretenir la communauté qu’elle a créée, EFBA organise le 27 avril un concert à Mountain View qui rassemblera toutes les familles qui suivent ses programmes dans la région. Les artistes sur scène ne seront autres que les enfants qui suivent les cours de l’association.
A la tête d’une équipe composée de sept permanents et d’une quarantaine d’enseignants et de remplaçants, Gabrielle Durana n’a rien perdu de la motivation des premiers jours: enseignante en droit et économie dans une autre vie, elle a vu cette discipline disparaître lorsqu’elle a quitté son poste en France. Une expérience qui l’a marquée: “Je savais dès la création d’EFBA qu’il fallait que le projet soit pérenne pour réussir, car on ne devient pas bilingue en quelques mois. Cette association était une tentative de solution pour démocratiser l’éducation plurilingue.”
Gabrielle Durana a commencé par frapper à la porte du San Francisco Unified School District pour lancer des programmes en français dans les écoles publiques: “En 2008-2009, la politique du “no child left behind” impliquait de régler des problèmes beaucoup plus graves que d’aider les familles francophones: certains enfants ne mangeaient pas à leur faim, et le français était perçu comme une langue “de riches””.
Heureusement, Gabrielle Durana a pu compter sur le soutien de centaines de familles soucieuses de transmettre leur langue et culture francophone à leurs enfants. “J’ai su que notre association allait marcher quand j’ai vu le nombre de réponses positives à mon appel lancé sur Internet.” Autre tournant dans l’existence d’EFBA: la disparition de la subvention FLAM (Français langue maternelle) au bout de cinq ans: “La première année, nous avons touché 35.000 euros, puis la subvention a diminué de 20% chaque année jusqu’à disparaître, et EFBA a continué d’exister.”
L’association ne bénéficie pas d’aides publiques, mais peut compter sur le soutien de la communauté et un tissu d’entraide solide: “On reçoit beaucoup d’aides en nature, qu’il s’agisse de prestations, comme des traductions gratuites par exemple, un loyer très raisonnable pour nos locaux, ou des donations de meubles ou d’ordinateurs pour assurer notre fonctionnement“, souligne Gabrielle Durana.
Les parents sont également une aide précieuse pour pallier aux difficultés de recrutement d’enseignants dans une région où le coût de la vie est si élevé: pour attirer et retenir une population enseignante à temps partiel, ils les aident à compléter leurs revenus, ou à trouver des logements abordables.
Plusieurs chantiers sont en cours pour continuer à développer l’offre d’EFBA: le développement des manuels scolaires Virgule, qui sont disponibles gratuitement en ligne et qui sont téléchargés par milliers chaque mois, l’amélioration des programmes déjà existants ainsi que la création de nouveaux programmes, comme ceux du lycée, rendue nécessaire par la longévité de l’association.
Motivée par le défi intellectuel que représente l’enseignement d’une langue à temps partiel, Gabrielle Durana envisage également de créer un manuel qui décrirait comment répliquer le succès d’EFBA pour d’autres langues. De quoi occuper les dix prochaines années…