«Ecoutez moi ça… 84 % de participation!!!…» C’est comme ça que le type qui fait la revue de presse sur la chaîne New York 1 News a commenté l’article du New York Times
sur les résultats français du premier tour. (Pas mal non cette mise en abîme de revue de presse dans la revue de presse?)
Le New York Times prévient ses lecteurs: «Le prochain président sera soit M. Sarkozy, un conservateur qui veut que les Français travaillent plus et paient moins d’impôts, ou Madame Royal, une socialiste avec un programme de gauche et l’ambition déclarée de moderniser son parti.» Pour la première fois, les Français feront leur choix entre deux candidats nés après la seconde guerre mondiale. Et pour la première fois encore depuis 1974, aucun des deux n’est président ou Premier ministre.
Et de Chirac que restera t-il ? Pas grand-chose selon le Wall Street Journal pour qui Chirac a souvent été « incapable de poursuivre les sujets dont il avait fait des priorités».
«Est-ce que cette élection marquent la dernière chance française pour le changement?» s’est interrogé USA Today. «Est-ce qu’un nouveau président peut remettre en cause les vaches sacrées –larges indemnisations, syndicats de fonctionnaires puissants, semaine de 35 heures, secteur public énorme – qui empêchent la France d’être économiquement concurrentielle?».
Réponse au Wall Street Journal et USA Today sous la plume de l’historien Tony Judt dans une tribune publiée par le New York Times.
«Sur une carrière politique de presque cinq décénies pendant lesquelles il a été maire, de Paris, premier ministre (deux fois) et président pendant douze ans, M. Chirac semble ne pas avoir accompli grand-chose.» convient-il d’abord. «Mais est-ce que la situation française est vraiment si sombre?» répond t-il à ceux qui, aux Etats-Unis, souhaitent des «réformes pour que la France soit plus alignée sur les pratiques et politiques anglo-américaines». Il entend souvent autour de lui que le «modèle social français détraqué a échoué». Or, fait-il remarquer, «les bébés français ont un taux de survie plus élevé que les américains, les français vivent plus longtemps, sont en meilleure santé (à moindre coût), ont une meilleure éducation et des meilleurs transports publics, le fossé entre riche et pauvres est moins profond qu’aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne et il y a moins de pauvres.»
Quant à Chirac, il a publiquement reconnu le rôle de la France dans l’holocauste, ce dont Mitterrand et de Gaulle n’ont pas été capables, et il n’a jamais autorisé son parti à des alliances avc le Front National, «par contraste avec M. Mitterand qui a cyniquement manipulé les lois électorales en 1986 pour qu’elles profitent à M. Le Pen (et affaiblissent ainsi la droite modérée)». Il est capable de soutenir des idées impopulaires, comme l’entrée de la Turquie dans l’Europe, s’est inquiété haut et fort du réchauffement de la planète et a mené l’opposition internationale à la guerre du président Bush en Irak. «Il n’est pas évident qu’aucun de ses successeurs possibles n’aurait fait aussi bien», poursuit Tony Judt. Chirac reconnaît ce que l’Europe doit aux Etats-Unis pour la seconde guerre mondiale tout en étant «suffisamment gaulliste pour s’opposer à la folie des grandeurs de Washington». Ce n’est pas le cas de Sarkozy dont «l’admiration et la connaissance des Etats unis semblent se limiter à son taux de croissance économique».
L’éditorialiste Jim Hoagland dresse, dans le Washington Post, des parallèles entre les campagnes électorales françaises et américaines. John McCain, Rudy Giuliani et tous ceux qui souhaitent être le candidat du parti républicain pourraient s’inspirer de «ce que Sarkozy et ses lieutenants ont fait ces dernières semaines», autrement dit explique t-il après avoir entendu un discours de Fillon critiquant le bilan de Chirac sans jamais le nommer, «prendre ses distances sans se montrer personnellement déloyal».
Et pour revenir sur les dernières semaines… Au début de la campagne, «Ségolène Royal a eu le monopole des maladresses verbales avec une série de déclarations douteuses sur des sujets internationaux», note le Washington Post. «Mais la France étant un pays attaché à l’égalitarisme, elle partage maintenant ce terrain avec d’autres candidats, dont le favori Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen». Le New York Times s’est aussi étonné d’une campagne mettant en compétition un candidat de droite «suggérant que la pédophilie est génétique», une socialiste «qui n’a pas l’air de savoir que les talibans ne dirigent plus l’Afghanistan» et «un candidat d’extrême droite qui recommande la masturbation plutôt que des préservatifs gratuits pour répondre aux besoins sexuels des jeunes». Mais, si tous ont gaffé, ça n’a jamais été «grave au point de ruiner leurs chances».
L’auteur d’un article fleuve du New Yorker sur la campagne n’a pas réussi à rencontrer Ségolène. «Elle parle encore moins aux journalistes qu’aux autres socialistes, et se méfie particulièrement de la presse américaine – peut-être parce qu’elle n’a pas encore décidé de ce que devrait être l’attitude d’un président français potentiel à l’égard des Etats-Unis».
Lexique. Pendant cette campagne, le New York Times
a dû expliquer à ses lecteurs que «Kärcher» est «la marque déposée d’un jet à haute pression utilié pour nettoyer les graffitis» et le New York Times magazine: que de parler de «racaille» dans les banlieues «était l’équivalent de crier «au feu» dans un théâtre bondé».