Dorothée Pierrard brandit un petit récipient de verre rempli de détritus. C’est l’ensemble des déchets qu’elle a produits en “trois semaines-un mois“. “Sur un an, ça nous fait un gros sachet noir“, indique cette Versaillaise qui habite à Harlem avec son mari et son chat (qui n’a pas de nom).
Cette adepte du zéro déchet participera, jeudi 9 mai, à une discussion à Harlem sur comment agir au niveau local contre le changement climatique. Elle sera accompagnée du sénateur d’Etat Robert Jackson, d’un responsable de l’association de justice environnementale WE ACT et d’un chercheur de l’université Columbia. La conversation suivra la projection du documentaire à succès “Demain”, qui met en avant des initiatives dans le monde pour limiter le bouleversement climatique. L’événement est organisé par Uptown Flicks en partenariat avec French Morning.
En France, Dorothée Pierrard l’admet: “je n’étais pas écologiste”. Elle l’est devenue en s’installant à New York en 2006. “L’utilisation des doubles sacs plastiques au supermarché m’a choquée. Je me battais avec les baggers aux caisses. Je venais avec mon sac à dos en essayant d’aller plus vite qu’eux“.
Elle profite d’une période sans visa de travail pour voir comment elle peut réaliser des économies. Elle découvre le zéro déchet à travers la Française Béa Johnson, apôtre de ce mouvement et auteure du livre à succès Zero Waste Home. En 2015, elle s’investit dans la coalition Bag it NYC, qui milite pour l’interdiction de sacs plastiques à usage unique (finalement ratifiée par le gouverneur démocrate de New York Andrew Cuomo fin avril). Son arme: son compte instagram, I spy a bag, où elle poste des photos de sacs plastiques prises dans toute la ville. Ce n’est pas la matière qui manque. “J’en ai fait 1.500 en quatre-cinq mois, dit-elle. Instagram me bloquait car j’en mettais trop“.
Chez elle aussi, elle se convertit. Exit le gel douche et son emballage plastique au profit du savon. Adieu les serviettes en papier et bonjour le tissu. Côté nourriture, elle se rend au marché ou à Whole Foods, où elle peut remplir ses bocaux en verre d’aliments en vrac. Aujourd’hui, dans son appartement de Harlem, il n’y a guère que les conserves pour son chat qui sont sources de déchets. Les seuls sacs plastique qu’on y trouve ont été réutilisés pour faire une lampe de chevet. “On dit que le zéro déchet est plus cher, mais au final ce n’est pas le cas“, souligne la Française, qui égrène volontiers les avantages de la pratique – “moins de tensions dans le couple liées au rangement, moins de temps à faire du ménage… Et il y a beaucoup de choses jetables que l’on achète sans réfléchir: le liquide vaisselle, les rouleaux d’essuie-tout, les produits hygiéniques pour les femmes. Ça coûte des sous“.
Dorothée Pierrard a une autre motivation: aider les habitants des quartiers pauvres de Queens et du Bronx où elle se rend pour son travail d’instructrice de locomotion pour non-voyants. Les populations les plus défavorisées sont celles qui paient le plus lourd tribut sanitaire à la pollution, que ce soit parce qu’elle se trouvent à proximité de centres de traitement de déchets ou le long d’axes empruntés par les camions qui transportent les ordures. “On peut penser que je suis une écologiste radicale. Je le suis pour le social. Ça me tue de me dire que les déchets que je produis vont dans les quartiers défavorisés où je travaille“.
Dans sa quête du zéro déchet, la Française a fait des convertis. Mais elle ne veut pas s’arrêter là. Son objectif: faire de l’activisme à travers l’art (photographie, dessin, sculpture…) pour “faire de ce qui m’attriste, comme les déchets, des choses positives“. Elle a notamment réalisé l’an dernier un arbre à base de sacs plastiques à Washington Square Park. “Par rapport à la réalité du changement climatique aujourd’hui, je ne considère pas avoir fait un changement de vie radical. Ce n’est pas qu’en utilisant des bocaux qu’on va y arriver. Il faut changer notre conception de vouloir toujours plus”.