On dit souvent qu’Oprah Winfrey a le pouvoir de faire ou de défaire les rois. Le business de Benjamin Bernet, un Français de New York, lui doit en tout cas beaucoup.
Le jour du lancement de Doobop, site de produits de beauté qui cible les femmes à peaux foncées, Oprah en a fait l’écho sur son blog. Un mois plus tard, en décembre 2013, elle inclut un crème de Doobop dans sa « O List », publiée sur son magazine et son site web. Effet immédiat.
“Sur ce produit, d’une petite marque italienne, on est passé de quelques commandes occasionnelles à plus de trente par jour. Et cela a duré pendant plus de deux mois. Heureusement, on a réussi à être réactif. Aujourd’hui, cela reste l’un de nos produits les plus vendus, raconte Benjamin Bernet. Tout cela s’est fait par hasard. Un des assistants d’Oprah m’a proposé de lui faire passer un seul produit. J’ai choisi celui-ci car c’était une marque peu connue ici. Elle l’a adoré, nous en a commandé plusieurs lots.”
Depuis ce démarrage en trombe, Jodie Patterson, l’associé de Benjamin Bernet, a été interviewée dans le magazine, et un autre produit est apparu dans la « O List » d’Oprah. De quoi mettre Doobop sur orbite. « Au début, 90% de notre business, était lié à Oprah. Maintenant, cela se diversifie », raconte l’entrepreneur de 37 ans.
Ce Parisien au CV sans faute (études à McGill, MBA à l’Insead) était il y a peu à la tête du marketing des parfums Armani chez L’Oréal, à New York. Un poste qui venait couronner dix ans de loyaux services pour la maison, entre Paris et les Etats-Unis. “Je me suis rendu compte que beaucoup de marques beauté ciblaient avant tout par ethnicité. Des femmes d’Atlanta, de New Delhi ou de République Dominicaine peuvent pourtant avoir des besoins similaires. Et puis, ces femmes se plaignent souvent d’être mal conseillées en points de vente”, constate Benjamin Bernet. Qui se dit par ailleurs passionné par la culture afro-américaine, dans la musique ou la littérature.
C’est ainsi qu’est née l’idée de Doobop, qui affiche une ambition : ne pas vendre uniquement des marques “ethniques”, mais rassembler des produits qui correspondent aux spécificités des peaux métisses et sombres, étiquetés comme tels ou non. La sélection est réalisée sous la houlette de Jodie Patterson, l’associée de Benjamin Bernet, ancienne chargée des relations publiques dans le milieu de la mode, qui a aussi son propre salon de beauté dans le sud de Manhattan.
“On a construit notre modèle à partir de quelques trucs : les frais d’envoi gratuits, et l’ajout systématique d’échantillons avec chaque commande”, explique l’entrepreneur, qui emploie quatre personnes dans un espace WeWork à Soho. Ce spécialiste du marketing a aussi voulu donner à son business une dimension sociale. La start-up reverse un dollar pour chaque commande à l’association Community of Unity, qui organise des programmes after-school à Harlem.
Le concept a déjà séduit des investisseurs – les fonds de Xavier Niel (Free) et Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée) y ont mis leurs billes. Au total, Benjamin Bernet a réuni l’année dernière 1,5 million de dollars. Il prépare en ce moment un deuxième round. “Aux Etats-Unis, la part de la population qui se considère comme non-blanche a augmenté de 26% depuis l’an 2000, contre 2% pour la population blanche. De plus, ces femmes ont des dépenses beauté, en part de leurs revenus, qui peuvent être jusqu’à huit fois plus importantes que les femmes blanches. Ce marché est estimé 13 milliards de dollars aux Etats-Unis.” Avec Oprah comme PR, Doobop espère bien en grignoter un bout.