On s’y attendait depuis plusieurs semaines, Donald Trump l’a fait : la délivrance de nouveaux visas de travail est suspendue jusqu’à la fin de l’année, constituant une remise en cause de l’immigration légale aux Etats-Unis inédite dans l’histoire récente.
Le 22 avril dernier, le président américain avait suspendu pour 60 jours la délivrance de cartes vertes pour les personnes qui n’étaient pas déjà sur le territoire américain. Il s’agissait, avait-il expliqué, de “protéger les emplois des Américains” face à la crise de la Covid-19. Mais la mesure ne concernait que peu de personnes, l’administration ayant, après des pressions notamment des lobbies pro-business, renoncé à s’en prendre aux visas de travail.
Il en va autrement cette fois : la proclamation présidentielle publiée ce lundi 22 juin prolonge la suspension des nouvelles cartes vertes mais concerne également les visas H-1B, H-2B, J, et L, ainsi que les visas délivrés à leurs conjoints. Au total, selon l’administration, plus de 500.000 personnes pourraient ainsi se voir refuser l’entrée dans le pays.
La suspension s’applique seulement aux personnes non présentes sur le territoire américain et à ceux qui n’ont pas encore reçu leur visa. Les renouvellements ne sont donc pas concernés et les demandeurs ayant déjà reçu leur visa pourront entrer sur le territoire américain. Mais pour le reste, les exemptions sont cette fois très limitées, et concernent principalement les travailleurs agricoles, jugés “essentiels à l’approvisionnement alimentaire”.
Les organisations patronales ont immédiatement réagi en critiquant la décision. “Ces restrictions vont pousser l’investissement et l’activité économique vers l’étranger, ralentir la croissance et réduire les créations d’emplois” a commenté Thomas J. Donohue, le directeur de l’U.S Chamber of Commerce, qui avait en vain tenté de convaincre Donald Trump de renoncer à ces mesures poussées notamment par son très influent conseiller Stephen Miller.
“C’est une attaque frontale contre l’innovation américaine et la capacité de notre nation à attirer des talents du monde entier” s’insurge Todd Schulte, président de FWD.us, organisation pro-immigration créée par plusieurs géants des technologies, gros consommateurs de visas H-1B. L’an dernier, quelque 139.000 de ces visas ont été délivrés. Le PDG de Google, Sundar Pichai, a lui aussi critiqué la décision, assurant que “l’immigration a immensément contribué au succès économique de l’Amérique”.
Immigration has contributed immensely to America’s economic success, making it a global leader in tech, and also Google the company it is today. Disappointed by today’s proclamation – we’ll continue to stand with immigrants and work to expand opportunity for all.
— Sundar Pichai (@sundarpichai) June 22, 2020
Les visas H-2B, délivrés aux travailleurs non qualifiés (utilisés notamment dans le tourisme) sont également concernés, à l’exception des travailleurs agricoles, tout comme les visas L. Ceux-ci sont attribués à des employés de filiales américaines d’entreprises étrangères. Ils avaient été donnés à 77.000 personnes l’an dernier. Leur suspension va directement affecter les entreprises françaises présentes aux Etats-Unis, tout comme les visas J-1, utilisés par les stagiaires, mais aussi les bénéficiaires du programme V.I.E (Volontaire Internationale en Entreprise).