Le nom de Dominic Derasse vous dit peut-être quelque chose si vous lisez French Morning. C’est ce trompettiste français qui a dirigé un orchestre à Times Square, le 21 juillet, en hommage aux victimes de l’attentat de Nice, la ville où il a grandi. Un événement qui l’a rendu célèbre malgré lui et dont il ne souhaite “surtout pas tirer de gloire personnelle” .
Discret, l’artiste est aujourd’hui (et jusqu’en octobre) dans l’orchestre de la fameuse comédie musicale “An American In Paris” . Son parcours dans la musique débute au conservatoire de Nice. A 13 ans, il joue durant les Jeux Olympiques de Munich avant de décrocher son premier job à l’Opéra de Nice à l’âge de 15 ans. “J’étais à la base plutôt renfermé voire le souffre-douleur des autres, j’ai développé une personnalité de bagarreur” , confie-t-il. Une force qui le pousse à se dépasser. Après la fin de ses études secondaires, le jeune trompettiste rejoint le conservatoire de musique de Paris dont il sort diplômé en 1979, avant de recevoir une prestigieuse bourse Fulbright qui lui ouvre les portes des Etats-Unis.
Envoyé pendant deux semestres au Berklee College de Boston pour étudier le jazz, Dominic Derasse en profite pour suivre l’enseignement de Carmine Caruso à New York, une légende dans les cercles musicaux. La rencontre va changer sa vie. “Je cherchais un maître pour progresser. Carmine Caruso a réussi à me transformer. J’habitais à Boston, j’allais deux fois par semaine à New York pour le voir” .
Au contact de son professeur, le Français comprend comment faire de son instrument “une extension de son corps” . “La trompette est un instrument très physique. La technique ne sert à rien si le corps ne suit pas. Il faut donc beaucoup travailler le physique pour paradoxalement arriver à l’oublier et se concentrer sur la musique” .
La méthode de son “maitre zen” en poche, Dominic Derasse rentre en France à l’été 1980. Le trompettiste accompagne les tournées de deux stars de la chanson française, Enrico Macias et François Valery. En octobre, il a la possibilité de devenir le trompettiste principal de l’orchestre de Nice, ce qu’il refuse finalement pour rejoindre l’Orchestre Colonne à Paris.
Quatre ans et demi plus tard, en avril 1985, Dominic Derasse décide de repartir à New York, laissant derrière lui famille et travail. “Je suis revenu avec l’envie de faire du studio pour la télévision et le cinéma. Ça a fonctionné au-delà de mes espérances. J’ai participé aux musiques de plus de 100 publicités et 70 films américains. J’ai également à mon actif plus de 25 shows à Broadway” dont “South Pacific” au Lincoln Center. Une carrière brillante que le Français explique encore et toujours par l’acquisition de la “méthode zen” de Carmine Caruso. “Elle me sert dans la vie de tous les jours et dans toutes mes activités. C’est plus que de simples techniques de trompette. Carmine Caruso m’a appris à écouter mon corps, à gérer mes émotions et mon stress pour donner le meilleur de moi-même” .
Dominic Derasse, surnommé par ses amis américains “Crazy man”, est un touche-à-tout qui vit à cent à l’heure. À ses heures perdues, il est motard, guide de canyoning, membre d’une association de sauvetage en montagne, donne des cours particuliers de musique, termine l’écriture de son premier livre. Et puisque ça ne suffit pas, le musicien a récemment lancé ses propres cours de secourisme, System D. Pourquoi une telle boulimie de projets? “Tout ce qui est vivant va mourir. On ne sait jamais quand et comment, alors autant vivre une bonne vie” .
A 57 ans, le trompettiste français sera à la retraite dans sept ans, mais souhaite “toujours continuer dans la musique” . Cet amoureux de New York regrette cependant que la logique de l’argent prenne progressivement le pas sur la musique. “L’art et la culture sont l’âme d’une société. Cette richesse est en train de s’éteindre. Wall Street a surpassé Broadway” .