Quand un divorce plane au-dessus des cœurs, nombre de questions se bousculent. Des interrogations pratiques, financières et morales démultipliées par l’expatriation. Car loin de ses repères habituels, l’expérience se révèle souvent plus complexe. Dix conseils pour naviguer dans les méandres du divorce aux États-Unis.
Divorcer aux États-Unis recouvre trois réalités juridiques distinctes. Le « divorce », qui correspond à la dissolution du mariage. La « custody » qui définit l’autorité parentale et le mode de garde des enfants. Enfin, la « property division » et le « support », soit la répartition des biens.
« Selon les cas de chacun – enfants ou non, contrat de mariage ou non (qu’il faudra d’ailleurs faire reconnaître au préalable par les autorités locales) – les approches diffèrent beaucoup », explique maître Hélène Carvallo, avocate en droit international de la famille dans l’État de New York et médiatrice internationale.
Avant de se lancer dans une procédure, on prend donc le temps d’analyser les critères objectifs qui l’influenceront. Entre autres, l’âge des enfants, la dépendance ou l’indépendance financière, le statut du VISA, l’autorisation de travail, la reconnaissance des diplômes, le logement et le Credit Score.
« Personne n’est jamais gagnant dans un divorce » assure la thérapeute Magdalena Zilveti Manasson. Et d’ajouter : « cette démarche fragilise émotionnellement, créée une blessure, a un lourd impact financier. Sans compter que les implications pratiques, lorsque l’on vit loin de chez soi, rendent tout très compliqué. » Ne pas se précipiter et ouvrir une réflexion approfondie sont les clés d’une séparation plus sereine.
Avant d’officialiser toute démarche, on se met en relation avec le consulat de son État de résidence. C’est un excellent relais d’information et d’orientation. Certains consulats offrent même des consultations juridiques gratuites.
Il existe des associations qui peuvent apporter du soutien. Par exemple le réseau Main dans la Main (née à San Francisco) ou SOS French in Texas. La coach Magdalena Zilveti Manasson propose aussi le groupe Facebook « Expat Nanas : Séparées, divorcées », une communauté d’entraide réservée aux Françaises en expatriation ou de retour d’expatriation. En cas de violence conjugale, noter cette ligne d’urgence : National Domestic Violence Hotline (800-799-7233 ) et, pour les Français de l’étranger, ce numéro : 00 33 1 805 233 76.
Ne pas maîtriser les règles sur place ajoute des difficultés. Et comme le rappelle maître Carvallo « les États-Unis, ce sont 52 États en un pays ! ». Si l’on retrouve des principes communs entre les différents États, certains comportent des spécificités propres (de la répartition des biens avant le mariage aux montants des pensions). S’informer en amont sur les sites officiels des Supreme Court des États de résidence et sur le site du Department of States s’avère judicieux.
Il n’est pas impossible que les deux juges s’estiment compétents. Selon Hélène Carvallo « deux juges issus des deux pays peuvent être saisis et chacun peut appliquer un droit différent. Chacun étant souverain, il n’est pas soumis à ce que fait l’autre ». Les risques ? Une procédure exponentielle donc plus coûteuse, plus longue, avec la possibilité que la décision de l’une des juridictions ne soit pas reconnue dans l’autre pays. « Le critère principal, c’est la résidence » explicite la médiatrice internationale. Le droit de l’État s’applique en effet automatiquement après un certain temps de résidence. Entre six semaines et six mois selon les États pour le divorce, après six mois de présence sur le territoire d’un État pour la custody.
Aucune obligation en la matière. « Parfois les avocats voient le pire, c’est une déformation professionnelle. Et on rentre dans un processus qui coûte une fortune… À NY, l’ouverture de la procédure est comprise entre 5 000$ et 25 000$. L’ensemble peut monter à plusieurs centaines de milliers de dollars ! », met en garde maître Carvallo. Son conseil ? Tenter la médiation en s’adressant à des médiateurs internationaux « formés pour tenir compte des différences culturelles, au-delà des aspects purement juridiques ».
Certains couples qui s’entendent sur les modalités de leur séparation peuvent aussi divorcer sans assistance. Ils rédigent ensemble un accord qui sera ensuite homologué par le juge et cette procédure ne prend en général que six mois. Mais la thérapeute Magdalena Zilveti Manasson encourage, malgré toute bonne entente, à systématiquement prendre conseil auprès d’experts. « Quand on fait ça à l’amiable, au début tout se passe bien, celui qui prend la décision du divorce rassure l’autre, mais après, ça peut se corser, notamment sur les aspects financiers. Autant ne pas attendre qu’il soit trop tard pour réagir… »
Une ou deux sessions avec un avocat en droit de la famille suffisent la plupart du temps pour brosser un tableau général et aborder les exceptions majeures qui existent.
Si le divorce est prononcé par l’un des deux pays, il doit être enregistré dans l’autre. Le but : qu’il soit exécutoire, c’est-à-dire qu’il puisse être appliqué. Pour faire transcrire son divorce américain en France (et que l’État Civil en fasse mention), il faut passer par le parquet de Nantes. Détails ici. Pour le rendre exécutoire, il faut par la suite entamer une procédure supplémetaire, dite d’exequatur.
« Sur le plan juridique, ça ne change rien ! Ça se joue sur les plans culturels et psychologiques » affirme maître Hélène Carvallo. Concernant un divorce entre deux Français, la question du retour s’impose si l’on ne peut pas maintenir la vie aux États-Unis. « Une menace pour le projet d’expatriation qui a des conséquences familiales majeures ».
Pour un couple mixte, les possibilités de retour sont difficiles, « voire impossibles ». « Il y a simplement moins de chances de trouver un accord », décrypte la médiatrice. Et pour tous : pas de retour en France avec les enfants sans accord juridique préalable. Il s’agirait sinon d’un enlèvement international et le retour de l’enfant sera ordonné par le juge du pays d’enlèvement, sur le fondement de la convention de la Haye. Des règles assez proches existent d’ailleurs entre les différents États américains.
Tristesse, colère, vengeance… Un divorce implique un tsunami émotionnel. Il semble essentiel de se faire accompagner par un spécialiste de la santé mentale durant cette période. En solo pour briser l’isolement, comme en duo. « Suivre une thérapie en couple, même lorsque la décision est prise, aide à la communication, au respect, à l’entraide et à maintenir le couple parental quand il y a des enfants. Eux, vivent souvent la situation comme un drame… » précise la thérapeute Magdalena Zilveti Manasson.