Qu’est-ce qui pousse un montagnard né au pied des Alpes à prendre la mer? “L’envie de changer d’environnement, de partir à l’aventure vers l’inconnu”, répond Didier Bovard, né à Évian-les-Bains en Haute-Savoie. Le dépassement de soi, aussi. “Mon premier grand défi date de 1998. À l’époque, les gens rigolaient car je n’avais jamais mis un pied sur l’eau. Mais j’ai quand même décidé de traverser l’Atlantique à la seule force de mes jambes, du Portugal aux Canaries jusqu’aux Antilles”.
L’étape de 5400 km entre les Canaries et la Désirade en Guadeloupe lui prendra la bagatelle de 117 jours, une performance inscrite au Guiness World Records Book. “J’ai commencé la fabrication de mon hydrocycle en 1996, avec l’aide du chantier naval de Morges en Suisse. Il s’agit d’un pédalo avec une coque fermée et étanche, dans lequel je pédale en position allongée, ce qui active une hélice à l’arrière. Je ne dispose pas d’ordinateur de bord, juste d’un GPS, d’une boussole et de panneaux solaires pour m’éclairer”.
Cet hydrocycle est intitulé “My Way”, du nom de la chanson d’Elvis Presley, dont Didier Bovard est un grand fan. “À tel point que j’ai décidé de repartir en 2002 pour aller cette fois jusqu’à Memphis où se trouve la tombe de l’artiste, pour lui rendre hommage”, raconte le Français de 58 ans. Il avalera cette fois 17 000 km en hydrocycle suivi de 3000 à vélo. “Mes voyages ont toujours une dimension écologique et solidaire. J’ai déjà parrainé l’événement Les Virades de l’Espoir de l’association Vaincre la mucoviscidose, la fondation Une chance un cœur qui œuvre pour des enfants défavorisés atteints de cardiopathies graves, ou encore Planètes Enfants Malades qui illumine le quotidien d’enfants et adolescents hospitalisés”, explique Didier Bovard. “J’ai également écrit de nombreux récits sur mes voyages dans lesquels je parle du respect de la nature”.
L’aventurier, qui gagne sa vie en tant que saisonnier dans les stations de ski, s’est également frotté aux eaux les plus froides, avec un voyage en pédalo sur la mer du Labrador au sud du Groenland en 2012, avant d’y retourner en 2016. Il a aussi réalisé le tour du lac Léman en Suisse en pédalant cette fois sous la coque de “My Way” en immersion dans l’eau. “Ça s’est toujours bien passé pour moi, sauf au Groenland où j’ai traversé une grosse tempête”, se souvient Didier Bovard. “Des vagues de sept mètres ont fait valsé mon pédalo pendant près de 30 heures au point où tout ce je mangeais ou buvais ressortait. J’ai fini déshydraté et ai dû abandonner mon bateau pour être secouru”. 11 mois plus tard, l’aventurier français recevra un appel d’une capitainerie en Islande ayant retrouvé son pédalo… intact.
Cette mésaventure est loin d’avoir freiné Didier Bovard, qui s’apprête à repartir d’ici à la fin de l’automne en direction de New York. “Les confinements et l’actualité liée au Covid ont été très anxiogènes ces derniers mois. Il m’est alors venu l’idée de rejoindre New York et la Statue de la Liberté, qui est le symbole même de la liberté depuis plus de 130 ans”. Ce projet, intitulé “Liberty 1886”, est dédié aux enfants à qui Didier Bovard a demandé d’écrire des messages sur le thème de la liberté en 2021. Trois écoles locales et plus de 200 élèves participent pour l’instant, mais l’aventurier français espère également la participation d’écoles à New York. “Concrètement, je vais emmener une clé USB et une capsule temporelle (ndlr: une boîte hermétique qu’on enterre) avec moi contenant tous les textes, avec l’objectif de la déposer au pied de la Statue de Liberté pour les générations suivantes”.
Le voyage “Liberty 1886” revêtira également une dimension écologique puisque Didier Bovard a prévu se nourrir uniquement d’aliments lyophilisés périmés, pour dénoncer le gaspillage alimentaire. “Je prouve à chaque traversée qu’on peut produire très peu de déchets, puisque l’intégralité de la nourriture et de l’eau consommées tiennent dans quelques sacs poubelles dans mon pédalo”.
Notre sportif débutera son périple de Paris, où il enfourchera son vélo pour 2000 km jusqu’à Sagres au Portugal, avant de pédaler cette-fois sur l’océan Atlantique en hydrocycle sur 6000 km pour rejoindre New York. “Ce sera ma troisième traversée de l’Atlantique, et c’est à chaque fois un moment extraordinaire. J’ai déjà croisé des dauphins qui s’amusaient autour de mon pédalo, une énorme baleine à bosse qui est passée un jour en dessous de moi, des daurades coryphènes de toutes les couleurs, ou encore de magnifiques oiseaux dont certains viennent se poser sur la coque de mon bateau et font un bout de chemin avec moi (rires)“.
Didier Bovard, qui confie avoir gardé “l’insouciance des enfants” et posséder “une détermination sans faille”, a dû faire rénover son hydrocyle pour ce nouveau voyage, dont la peinture représentera notamment la Tour Eiffel et la Statue de Liberté. Les frais liés aux rénovations et à la logistique du projet s’élèvent autour de 20 000€ (23 400$). La ville de Thonon-les-Bains le suit dans son projet, mais Didier Bovard aimerait également trouver des partenaires à New York. Pour le contacter : [email protected]