“La voix des Français de l’étranger doit être entendue“. Par ces propos, Marlène Schiappa a ouvert le Grand Débat National organisé à New York, mardi 12 mars, sous le lustre du consulat de France. C’était le quatrième et dernier débat de ce genre dans la Grosse Pomme.
La Secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, présente pour participer à l’ouverture de la session de la Commission sur la condition de la femme à l’ONU, n’était pas la seule à venir écouter les 150 personnes ayant fait le déplacement ce soir-là. Elle était accompagnée de trois députés: Fiona Lazaar (Val d’Oise), Guillaume Gouffier-Cha (Val-de-Marne) et Mickaël Nogal (Haute-Garonne).
Au menu de la discussion: “démocratie et citoyenneté”, un des quatre thèmes fixés par le gouvernement pour cette grande discussion nationale décrétée en réponse à la crise des Gilets jaunes. Un premier intervenant se lance: “il faut trouver des moyens pour faire sortir les politiques de la profession“, avance-t-il regrettant que la politique soit devenue un métier. Un autre déplore “la corruption des gens au pouvoir” et “une classe politique trop éloignée du citoyen moyen“. “Les politiques n’ont jamais vu venir les conséquences de la mondialisation heureuse: les dégâts sur l’industrie, les laissés-pour-compte, la dégradation de l’état économique de la France“, se plaint-on.
Au premier rang, les élus et la Secrétaire d’Etat s’échangent quelques mots. La scène parait paradoxale. D’un côté, une partie de la salle déplore l’absence de renouvellement des visages et des pratiques politiques. De l’autre, les responsables politiques présents n’ont jamais exercé de mandat avant d’entrer en fonction en juin 2017, lors de la vague de renouvellement qui a suivi l’élection d’Emmanuel Macron.
“Quand j’entends parler des élites telles qu’on en parle dans le débat public, je les déteste aussi“, lance Marlène Schiappa, estimant qu’il y a eu “un renouvellement. On a caricaturé cette nouvelle génération de députés. Il y a beaucoup d’idées reçues. Aucun de nous n’a vécu dans les beaux quartiers parisiens. On a tous et toutes des parcours qui représentent la mixité sociale”. Rappelant qu’elle a “grandi dans un HLM“, elle tient à souligner que les macronistes ne sont pas “tous des startupers qui se déplacent en trottinette électrique“.
Le jeune député Mickaël Nogal, 28 ans, prend la parole depuis le tableau blanc où il s’est porté volontaire pour écrire les défis et les solutions émargeant des discussions. “Regardons les parcours. On a réussi professionnellement avant d’être député“, plaide-t-il.
Guillaume Gouffier-Cha, l’élu du Val-de-Marne de 33 ans, renverse le problème et appelle les Français à s’engager davantage. “Ça prend du temps, le samedi, le dimanche. Personne ne vous remercie. On le fait pour les autres. Comment fait-on pour renforcer l’engagement de tous les Français ? Dans la vie associative et syndicale ?“, s’interroge-t-il.
Pour résoudre la crise de confiance, certains suggèrent de s’inspirer des Etats-Unis. L’un d’eux propose d’instaurer des “retours plus fréquents des représentants politiques vers leurs électeurs“, à la manière des “congressmen” américains qui rentrent en circonscription pendant les périodes de vacances parlementaires (“recess”). Un autre propose de réduire le nombre d’élus en France (ce que prévoit la réforme constitutionnelle d’Emmanuel Macron). “Il y a un peu de plus de 500 parlementaires américains pour 325 millions d’habitants. Il y en a plus de 900 en France. Ça fait de la marge!“.
La question du retour du service militaire pour rétablir du lien social en France surgit un peu plus tard dans la discussion, au moment où la conversation bascule sur l’engagement civique. Marlène Schiappa n’est pas contre. “C’était une manière d’avoir de la mixité“, reconnait-elle. Elle évoque la création du Service National Universel (SNU), promesse du candidat Macron sur laquelle le gouvernement est en train de plancher. Ce programme obligatoire permettrait aux jeunes de s’engager dans différentes missions militaires ou civiles (engagement dans la police ou l’armée, aides à la personne, action de préservation du patrimoine et de l’environnement, enseignement) sur plusieurs mois.
La Secrétaire d’Etat ne sera pas présente pour la fin de la discussion, qui porte sur les questions d’intégration et d’immigration. Les thèmes de la bi-nationalité, la maitrise des langues et la laïcité s’enchainent. Une intervenante suggère de mettre en place une loterie pour permettre à des personnes à faibles revenus de décrocher des logements dans les quartiers riches, sur le modèle de l’outil qui existe à New York. Une autre, de valoriser la langue arabe à l’école pour satisfaire “un besoin de reconnaissance de la diversité” et de “la valeur de l’immigrant“.
“On retrouve ici des interrogations qu’on a en France métropolitaine et dans les DOM-TOM. Ce sont des points de questionnement qui touchent toutes les démocraties. On aurait invité des Américains ce soir, on aurait eu les mêmes échanges“, confie Guillaume Gouffier-Cha après la discussion. Le Grand Débat National sera fermé le 15 mars.