Certainement un des premiers à convertir les habitants de Brooklyn aux vertus des escargots à l’ail, le bistrot français Patois a régné pendant dix ans sur Smith Street et le quartier de Caroll Garden. En janvier 2009, il annonçait sa fermeture, pour cause non-renouvellement de son bail, au plus grand désespoir des habitués. Il faut dire qu’en dix ans le brunch de Patois était devenu une institution: $12.95 pour un confit de canard et des mimosas (champagne et jus d’orange) illimités…de quoi finir un week-end déjà bien arrosé en beauté.
Bye bye Brooklyn, hello Manhattan, c’est désormais en plein cœur de Little Italy, sur Mulberry Street, que Patois a élu son nouveau et improbable domicile. Le bistrot occupe le numéro 177, dans ce qui était auparavant l’arrière-salle du restaurant italien adjacent, Grotta Azzura. Mais si Patois s’est expatrié downtown, que ses clients se rassurent, les propriétaires promettent: “la même bonne cuisine, les mêmes bons vins et les mêmes désagréables serveurs“.
La promesse est tenue, et la carte de Patois propose fidèlement les grands classiques incontournables de la cuisine de bistrot. Coq au vin blanc ($18), magret de canard et artichauts ($24), bavette et purée ($19), truite fumée et ratatouille ($18), la carte est identique plat par plat à celles de toutes les brasseries parisiennes. A défaut d’originalité, les prix sont modérés, surtout si l’on considère la nouvelle formule prix fixe pour le soir: pour $19.95, vous avez le choix entre trois entrées (salades ou charcuterie) et trois plats (poulet, poisson ou noix de bœuf). Si des envies de desserts vous assaillent, les immanquables fondants au chocolat, crème brûlée et tarte tatin (entre $7 et $9) sont au rendez-vous.
Sans être exceptionnelle, la cuisine est honnête. On ne vient pas là pour s’extasier sur les saveurs, mais plutôt pour les prix abordables. En revanche, le restaurant dégage une désagréable impression de cliché touristique. La décoration accumule les poncifs du style “brasserie” : banquette en cuir, sol à carreaux, affiches Gitane et Pastis de l’Entre-deux-guerres. Situé au croisement de Mulberry Street et Broome Street, un choix incongru pour un restaurant français, Patois est noyé dans l’empire touristico-gastronomique établi depuis des décennies par les dizaines de ristorante et autres trattorias des environs. Le bistrot partage en toute intimité ses cuisines et ses facilités avec la pizzeria voisine.
On ne pourra pas reprocher à la nouvelle version de Patois de s’inscrire dans la tradition française, c’est l’effet recherché. Malheureusement, la tradition se confond ici davantage avec le manque d’originalité qu’avec l’authenticité. A défaut de séduire les fins gourmets, le restaurant offre en guise de consolation une carte économique et copieuse. Le midi, le restaurant défie toute concurrence en affichant un menu à $9.95: salade niçoise, croque-monsieur, omelette, hachis parmentier…à ce prix là, on aurait tort de se priver d’un petit bout de France à la pause-déjeuner.
Patois, 177 Mulberry Street
212-925-8157