La dernière exposition temporaire du SFMOMA aurait pu s’intituler “Ceci n’est pas un Magritte”, pour reprendre les traits d’humour du peintre belge (1898-1967). “The Fifth Season” présente, à partir du samedi 19 mai, les oeuvres réalisées par Magritte entre 1943 et sa mort, et certaines d’entre elles ne ressemblent en rien aux peintures surréalistes qui étaient la marque de fabrique de l’artiste dans les années 1920-1930.
La première salle rassemble plusieurs toiles dites du surréalisme “en plein soleil” (1943-1948) et de la période vache (1948) de Magritte. Profondément ébranlé par la Seconde guerre mondiale, le peintre brise volontairement les codes du surréalisme parisien dont il veut se distancer: selon lui, les objectifs du mouvement tels que la création de confusion et de panique “ont été atteints par ces idiots de Nazis bien mieux que par nous“.
“Magritte ne peut pas retourner vers le Surréalisme après la guerre; il doit chercher une nouvelle direction, sans pouvoir oublier le passé“, explique Michel Draguet, directeur général des Musées royaux des beaux-arts de Belgique. Les toiles ne sont pas sans rappeler le fauvisme ou l’impressionnisme. Questionnant le sens de l’art, Magritte peint des oeuvres qu’il veut volontairement laides. Avec “Le stropiat” (1948), on retrouve quelques uns de ses sujets fétiches: le personnage est grossier, difforme, avec de nombreuses pipes dans la bouche et même sortant de son front; derrière lui, on distingue vaguement les nuages moutonneux que Magritte sait si bien peindre.
Les galeries suivantes sont organisés par thèmes. “Human condition” présente des peintures de fenêtres, objets chers à Magritte car elles invitent le spectateur à entrer dans l’oeuvre et à regarder plus loin. Dans la salle intitulée “Atrophy”, on retrouve la célèbre toile “Les Valeurs personnelles”, acquise par le SFMOMA en 1998: les objets de la vie quotidienne, comme le peigne, le verre, une allumette, sont exagérément importants par rapport au lit et à l’armoire; la pièce n’a pas de murs, comme si elle flottait dans l’espace.
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Une galerie est entièrement consacrée aux toiles figurant un homme coiffé d’un chapeau melon. “Le fils de l’homme” est un “auto-portrait, qui laisse penser qu’on connaît la personne représentée sur le tableau. Mais la pomme qui cache le visage fait voler en éclats ces certitudes, et interroge le spectateur sur ce qu’il croit savoir.“, explique Caitlin Haskell, curatrice de l’exposition.
Certaines oeuvres n’ont jamais été montrées aux Etats-Unis. Dans une pièce arrondie, on peut admirer les huit toiles du “domaine enchanté”, qui ont servi de maquettes à la réalisation d’une fresque panoramique de 70 mètres de long et 4 mètres de haut au casino de Knokke-le-Zoute: on y retrouve de nombreux thèmes chers à l’artiste, comme les objets cachés, les sirènes inversées (corps humain et tête de poisson), les pommes, les aigles…
Dans la galerie suivante, 17 peintures à l’huile retracent l’épopée de “L’empire des lumières”, commencée en 1949 et achevée en 1966. Sur chaque peinture, on retrouve le même lampadaire et la dichotomie entre un ciel clair comme en plein jour, et des façades nocturnes sombres.
La visite se termine dans une galerie interactive, qui permet aux visiteurs de rentrer dans les toiles de Magritte, comme autant de fenêtres ouvertes sur l’art, et qui apporte à cette exposition très dense, une touche high tech ludique que Magritte n’aurait sûrement pas reniée.