Depuis 1858, Chinatown célèbre le nouvel an chinois par une grande parade, la plus importante des Etats-Unis. Le samedi 8 février, on célèbrera avec pétards et dragons dansants l’année du Rat. Une bonne occasion pour découvrir l’histoire du plus vieux quartier chinois d’Amérique à travers quelques lieux emblématiques.
Derrière les magasins attrape-touristes débordant de babioles bon marché, et les restaurants qui racolent le chaland à chaque coin de rue, Chinatown est intimement lié à la naissance et l’expansion de San Francisco. Les premiers immigrants arrivent en 1848. Deux ans plus tard, ils sont environ 20 000: la construction d’une ligne de chemin de fer transcontinentale et la ruée vers l’or attirent de nombreux Chinois originaires de la province du Guangdong. Ils se concentrent dans ce quartier, le seul où ils sont autorisés à s’installer.
Portsmouth Square, lieu de naissance de San Francisco
Délimité par Kearny st. à l’est, Broadway au nord, Powell à l’ouest, et Bush au sud, le quartier chinois est le plus grand hors d’Asie, et le plus densément peuplé, avec plus de 35 000 habitants. Il s’articule autour de deux artères principales, Grant avenue, où se concentrent les magasins et restaurants pour touristes, et Stockton où s’alignent boucheries, primeurs et herboristes.
Difficile d’imaginer que San Francisco est officiellement née au coeur de Chinatown, sur l’actuel Portsmouth Square: en 1846, le capitaine John Montgomery y plante le drapeau américain et déclare que la ville appartient aux Etats-Unis. Robert Louis Stevenson, auteur de “L”Ile au trésor” aimait y flâner. Portsmouth Square est aujourd’hui le repaire des vieux Chinois qui disputent des parties d’échecs ou de cartes interminables.
Sexe, opium et salles de jeux
L’afflux de chercheurs d’or et de marins dans les années 1850 entraîne l’essor de la prostitution dans le quartier: on compte plus de 1 800 prostituées en 1880, soit 70% de la population féminine chinoise. Ah Toy, originaire de Hong Kong, est la première à se lancer dans l’industrie du sexe: en 1850, elle ouvre deux maisons closes, au 34 et 36 Waverly Place. Cette ruelle, avec ses balcons peints, est aujourd’hui l’une des plus charmantes du quartier.
Chinatown est également connue pour ses fumeries d’opium, concentrées sur Duncombe Alley, tandis que Ross Alley regroupait des salles de jeux illégales. S’il ne reste aucune trace de ces lieux de perdition, le dépaysement est garanti dans les ruelles de Chinatown. Au 56 Ross, la Golden Gate Fortune Cookie Factory produit depuis 1962 près de 20 000 fortune cookies par jour. On peut assister à leur confection, les goûter et les acheter sur place.
Bouddhisme et Catholicisme
Le plus vieux temple bouddhiste des Etats-Unis est fondé en 1852, en l’honneur de la déesse du ciel et de la mer: le Tin How Temple, situé au 3ème étage du 125 Waverly Place, est toujours un lieu de culte où l’on prie, on brûle de l’encens et on se fait prédire l’avenir.
A l’angle de California et Grant, la Old St Mary’s Church se dresse depuis 1853, et résista au tremblement de terre de 1906: la première cathédrale de San Francisco, édifiée pour éduquer la population chinoise à la foi catholique, est reconnaissable grâce à sa façade en briques. Le granite qui servit à ses fondations fut importé directement de Chine.
Le Chinese Telephone Exchange
Dès 1894, un standard téléphonique est installé au 743 Washington st. Après le tremblement de terre de 1906, le bâtiment est reconstruit sous forme de pagode. Les utilisateurs ayant parfois du mal à retenir les numéros de téléphone, les opérateurs connaissaient par coeur plus de 3 000 noms et les numéros associés, et parlaient cinq dialectes en plus de l’anglais. L’arrivée du téléphone dans les foyers a précipité la fermeture du Chinese Telephone Exchange. La pagode existe toujours et abrite désormais une banque.
Pour en savoir plus sur l’histoire de Chinatown
Située dans l’ancienne YWCA au 965 Clay st., la Chinese Historical Society of America (CHSA) présente des expositions sur l’héritage chinois aux Etats-Unis. Le bâtiment lui-même vaut le détour, car il a été dessiné par Julia Morgan, architecte célèbre à qui l’on doit Heart Castle, la résidence extravagante du magnat de la presse Randolph Hearst. Les expositions de la CHSA abordent aussi bien les aspects culturels qu’historiques de la présence chinoise; une série de dioramas retrace la vie dans le Chinatown des années 1940. 恭喜发财! (Bonne année!)