Léger vent de panique chez les Services culturels de l’Ambassade de France. La page Facebook de la “Nuit de la Philosophie” new-yorkaise affiche plus de 13.700 “joined”, synonyme de personnes qui ont l’intention de venir à l’évènement. Si tout le monde vient, la réflexion risque de devenir une sérieuse prise de tête. “On peaufine les détails, mais nous sommes prêts” assure Mériam Korichi, curatrice de cette nuit philosophique.
De la philosophie “à profusion”, rythmée par des performances artistiques accessibles au grand public durant une nuit entière. Tel est le concept qu’a imaginé et mis en oeuvre la philosophe et dramaturge française Mériam Korichi, sur demande de l’Ecole Normale Supérieure en 2010. Le pari était original, mais risqué. Pourtant, depuis cinq ans, “La Nuit de la Philosophie” – dont les trois premières éditions ont eu lieu à Paris, Londres (en 2012 et 2013) et Berlin – réunit chaque année plusieurs milliers de noctambules, et fait intervenir prés de 60 philosophes contemporains, avec de nombreuses performances artistiques, des chansons, des comédiens, des vidéastes et des DJ. Pour sa cinquième édition, l’événement se tiendra à New York, dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 avril de 7pm à 7am.
“Ce n’est ni un colloque, ni un festival, c’est les deux à la fois” explique la fondatrice de l’évènement, qui souhaitait allier dès le départ “le sérieux de la conférence au ludique de l’art” .
“La nuit de la philosophie”, dont le succès s’est répandu “principalement par bouche à oreille” , est organisé cette année par les services culturels de l’Ambassade de France et l’Ukrainian Institute. Pour l’occasion, les organisateurs, qui se trouvent au coin de la 79eme rue et de la 5eme Avenue, ouvriront leurs portes au grand public, tout comme la librairie Albertine Books, la librairie de l’Ambassade.
Le choix de New York ne s’est pas fait par hasard. “D’une part, nous avons été sollicités très tôt par les services culturels de l’ambassade, raconte Mériam Korichi, et c’est surtout une ville d’artistes où le concept de rapping, de visibilité de la parole, est très fort” .
“A chaque fois, l’évènement ressemble à la ville où il se déroule, et s’adapte à la culture, à la langue de la population” ajoute-elle. Cette année donc, “La nuit de la philosophie” se déroulera intégralement en anglais. Mais le principe, lui, reste le même : enseigner et divertir avec 62 intervenants dont 30 venus de France, des conférences d’une vingtaine de minutes, et des performances artistiques “libres et libertaires” , dont l’une durera 12 heures. Parmi les intervenants, on retrouve les philosophes français Barbara Cassin, Jean-Pierre Dupuy, Bruno Karsenti, Francis Wolff “et forcément beaucoup d’intellectuels new-yorkais” .
Faisant fi des protestations contre la conférence programmée de l’intellectuelle Monique Canto-Sperber – accusée par un groupe d’universitaires dans Mediapart d’avoir fait oeuvre de censure contre “les Palestiniens et les critiques des politiques de l’Etat israélien” en 2011 -Mériam Korichi rappelle que la liste des invités a été composée très librement par “les 56 départements universitaires américains spécialisés en philosophie” .
Parmi les thèmes abordés, on citera : “La vie intellectuelle doit-elle être ennuyeuse?” , “La direction du temps” , “Cela en vaudra-t-il la peine ?” , ou encore “Une aventure dans les plaines” . Dans les prestations notamment, quatre acteurs feront une lecture de “La philosophie dans le boudoir” du Marquis de Sade, dans un vrai boudoir de l’Ukraine Institute. La discussion “Pouvons-nous rationellement préférer notre non-existence? Les réflexions de Rousseau sur la logique du nihilisme et du suicide” à 3:30 du matin ou “En défense du scientisme” à 2:50 risquent d’avoir du mal à passer. Il y aura heureusement du café et des croissants.