Autour de son cou, Monique Saigal-Escudero porte, entremêlées, une grande étoile de David et une médaille catholique. « L’étoile, c’est mon mari qui me l’a offerte. Elle est jolie, mais elle ne passe pas inaperçue !» glisse-t-elle en souriant.
Ces deux pendentifs résument à eux seuls l’histoire compliquée d’une enfant née à Ménilmontant en 1938, dans une famille juive d’origine roumaine, et convertie au catholicisme pendant la guerre. Comme de nombreux enfants cachés qui ont été sauvés de la déportation.
Immigrée à Los Angeles après la Seconde guerre mondiale, cette vérité douloureuse Monique Saigal-Escudero ne l’a découverte que sur le tard, à l’âge de 56 ans. « Pendant de très nombreuses années, je n’ai pas su que j’étais une enfant cachée. Ma mère n’a jamais voulu me parler de sa vie d’avant et de mon père, mort au début de la guerre. Nous sommes venus vivre en Californie en 1956, car ma mère avait rencontré un Juif américain assimilé avec lequel elle avait refait sa vie » raconte cette ancienne professeur de français et d’espagnol au Pomona College, aujourd’hui retraitée.
« Pendant très longtemps, je n’ai pas vraiment parlé non plus de mes origines juives. C’était un sujet tabou pour ma mère. Une fois aux Etats-Unis, j’ai d’ailleurs transformé mon nom « Ségal » en « Saigal » et j’ai épousé un Bolivien catholique ! Découvrir la vérité a été une libération incroyable pour moi car je me suis longtemps sentie tiraillée au sujet de mon identité».
A 3 ans, sa grand-mère la sauve
C’est en se rendant à Paris, à l’été 1994, alors qu’elle est venue faire des recherches universitaires, que son oncle Daniel lui apprend sa véritable histoire, au détour d’une conversation sur la guerre. L’ancien résistant a notamment été le témoin de la déportation de sa propre mère, la grand-mère de Monique Saigal, morte à Auschwitz en 1942. « Pendant la guerre, je me rappelais que j’avais passé le début de mon enfance, jusqu’à ma communion, à Dax, auprès de ma marraine Jacqueline et de sa famille, les Baleste. Mon oncle m’a en fait expliqué que cette famille m’avait recueillie parce que j’étais juive, et qu’ils avaient risqué leur vie pour me protéger».
Monique Saigal découvre qu’un mois après la rafle du Vel d’Hiv’, le 24 août 1942, sa grand-mère craignant une nouvelle rafle, l’a jetée, à l’âge de 3 ans, dans un train en marche dans lequel se trouvait des enfants pupilles de la nation.
En arrivant à Dax, elle est très vite remarquée par une famille, les Baleste, venus chercher un petit garçon qui n’a finalement pas fait le voyage. Monique Saigal passera par la suite toute son enfance, à Luë, un village de 500 habitants, où elle est élevée comme une petite catholique. « Je suis restée toute ma vie en contact avec ma marraine et j’ai commencé à la revoir tous les ans, depuis les années 90 ».
En 1995, Monique Saigal décide d’honorer à Yad Vashem la famille Baleste qui a reçu le titre de Juste des Nations. C’est également en s’inspirant du parcours de sa marraine, que Monique Saigal a écrit un livre en 2008 dédié aux résistantes françaises, intitulé « Héroïnes françaises, 1940-1945: courage, force et ingéniosité. La puissance dans l’impuissance » (éditions du Rocher), une compilation de témoignages, parmi lesquels figurent notamment celui de Lucie Aubrac.
Aujourd’hui retraitée, Monique Saigal consacre une grande partie de son temps à témoigner sur son histoire personnelle et celle de sa famille. De Los Angeles au Tennessee, en passant par Paris ou Bruxelles, Monique Saigal se rend dans les musées, les universités, les synagogues ou encore les églises, notamment pour sensibiliser la jeune génération à la Shoah. « Parler me libère et me rend plus forte. Je peux enfin assumer aujourd’hui mon identité juive, tout en restant très attachée à la France et à sa culture. Je suis enfin devenue moi-même ».