La Chambre des représentants du Connecticut aura très certainement un membre franco-américain au soir du 6 novembre. L’entrepreneur et activiste local David Michel devrait être élu, sauf surprise, au poste de “state representative” (député d’Etat) du 146eme District, qui couvre une partie de la ville de Stamford. “Partout où j’interviens pour résoudre un problème, j’ai un impact. Il faut maintenant que je puisse avoir un impact au niveau de l’Etat“, souligne ce quadra hyperactif qui frôle les mille idées à la seconde.
“Plus Bernie qu’Hillary“, David Michel fait partie des nombreux candidats progressistes qui ont décidé de sortir du bois à l’occasion des élections de mi-mandat. Ce consultant dans la lunette, fils de la conseillère consulaire de New York Annie Michel, fait campagne sur un message simple: “clean things up“, à commencer par l’environnement et l’atmosphère de “népotisme” qui continue de régner, selon lui, à Stamford, “ville la plus corrompue des Etats-Unis dans les années 80“.
Pour en arriver là, il a frappé à plus de 3.000 portes, 14.000 pour son équipe – “du jamais vu dans l’histoire de la ville” – et battu le représentant sortant lors des primaires démocrates de l’été dernier avec plus de 68% des voix. “Les électeurs avaient tendance à voter en protestation par rapport à quelqu’un ou à choisir le moins pire des candidats. Ce n’est pas le cas cette année. Ils veulent quelqu’un d’authentique. Si on votait tout le temps comme ça, le monde irait mieux”.
Nettoyer, c’est quelque chose que le Franco-Américain fait très bien, et depuis longtemps. Connu pour son activisme environnemental à l’échelle locale, il a mené plusieurs opérations de nettoyage de zones naturelles sensibles comme la plage et le marécage de Stamford.
Né en France, il passe son adolescence entre les rives du Long Island Sound, où il s’est installé à l’âge de 14 ans à la la suite de l’expatriation de son père, et “la campagne” en dehors de Saint-Etienne. Il est sensibilisé très tôt à l’importance de préserver la planète. Etudiant à McGill, il rejoint “une vingtaine de clubs environnementaux et politiques” – “je voulais tout faire, du coup, je n’ai rien fait !“. Plus tard, à l’université SUNY Purchase aux Etats-Unis, il organise des opérations de nettoyage sur le campus car “il y avait des poubelles partout“. Le même engagement l’amène à se rendre à Taiji, une petite ville japonaise devenue tristement célèbre pour le massacre de dauphins, et mener des actions pour la protection des écosystèmes marins. “J’ai toujours aimé l’eau. Dès l’instant où j’ai eu la tête sous l’eau, j’ai voulu y rester, dit-il. J’ai appris la plongée avant d’apprendre à conduire une bagnole“.
À Stamford, où il est installé depuis dix ans, il a la réputation d’être un empêcheur de tourner en rond. “Je suis sans relâche. Si je n’ai pas de réponse, je vais être un emmerdeur“, résume-t-il. Parmi ses faits d’armes, il a attiré l’attention de la ville sur la pollution de sa plage. “Il y a quelques années, ils avaient entassé la neige du centre-ville sur le parking de la plage. Elle était polluée. Il y avait des sacs plastiques, des pailles qui s’envolaient sur la plage“. Il a également poussé la ville à mettre son système de canalisation aux normes pour empêcher le déversement d’eaux polluées dans le Long Island Sound.
Il s’implique aussi dans l’aide aux sans-abris et le combat contre le développement immobilier anarchique le long du littoral. En effet, le boom démographique de Stamford est venu selon lui avec son lot de problèmes environnementaux et de délogements des plus fragiles, en premier lieu les “retraités et les working families” de sa circonscription, dit-il en mêlant français et anglais comme il le fait souvent quand il parle en français. “La décision de me lancer en politique est venue du fait que je ne recevais pas de réponses des élus, en particulier au niveau de l’Etat. Comment des élus qui ne communiquent pas avec le peuple peuvent travailler pour lui et connaitre ses besoins?”
En 2018, le challenger-outsider obtient non sans surprise le soutien officiel du parti démocrate local, poussé par le mouvement Reform Stamford, un groupe de démocrates anti-establishment qui avait enregistré de bons scores aux élections municipales de 2017. Au terme d’une intense campagne de terrain, il s’impose en août lors des primaires démocrates face au représentant sortant Terry Adams, qui occupait le siège depuis 2015. “Mon adversaire a essayé de jouer sur le fait que j’étais Français, que je ne connaissais pas Stamford… Les électeurs n’en ont rien à faire. Ils veulent quelqu’un qui se battra pour eux”.
Depuis sa victoire aux primaires, il multiplie les rendez-vous en vue de son entrée prochaine à la Chambre du Connecticut à Hartford. Sa victoire ne fait aucun doute: la circonscription est découpée de telle manière à favoriser les démocrates. Le Franco-Américain veut profiter de son mandat de deux ans pour impulser des politiques résolument de gauche: instituer une banque publique d’Etat (sur le modèle de celle du Dakota du Nord), séparer le Département de l’Energie et celui de la protection de l’environnement (ils sont actuellement rattachés), soutenir la hausse du salaire minimum à 15 dollars de l’heure et mettre en place le pre-K pour tous…
A-t-il peur que le climat de polarisation actuel ne l’empêche de travailler avec les républicains, qui devraient rester minoritaires à l’Assemblée du Connecticut après le 6 novembre ? Il veut croire que cela “sera facile au niveau local car tout le monde peut arriver à des solutions de bon sens“. S’il y a bien une chose qu’il prendra avec lui lors de ses déplacements au moins trois fois par semaines à Hartford pour les sessions parlementaires, c’est son caractère français bien trempé. “On aime bien se plaindre, pointer du doigt et le faire devant tout le monde. Mais on le fait sur des choses importantes pour tout le monde“.