Jacques Bodelle le reconnait volontiers: comme la plupart d’entre nous, l’histoire des Français aux Etats-Unis se résumait pour lui à La Fayette et pourquoi pas Rochambeau. “Mais ça n’est que la partie visible de l’iceberg!” s’exclame-t-il.
C’est ce que ce Français installé à Bethesda (Maryland), ancien conseiller scientifique à l’Ambassade de France, a découvert pendant quatre années de recherche pour son livre: Petite(s) Histoire(s) des Français d’Amérique. Au fil des 371 pages de l’ouvrage, il brosse une fresque des bâtisseurs français du Nouveau monde, des premiers explorateurs à Alexis de Tocqueville. Connus ou inconnus, militaires, ingénieurs, cartographes, entrepreneurs, artistes, religieux: ils ont fait la guerre, dessiné des villes, bâti des infrastructures, créé des entreprises, tenté de lancer des colonies françaises en Floride, au Texas et ailleurs…
Dans l’ombre des La Fayette, Rochambeau et Tocqueville, qui connait Jean-Baptiste Pointe du Sable ou le béarnais Pierre Laclède? Les comptoirs commerciaux ouverts par ces Français au XVIIIème siècle dans le Midwest donneront naissance à Chicago et Saint-Louis. Qui connait Jean Frémont, le Français qui cartographia la mythique Oregon Trail. Ou encore les argonautes français qui participèrent à la Ruée vers l’or. Leur nombre fut tel qu’ils donnèrent naissance à une “Petite France” à San Francisco vers 1850. “20% des participants étrangers à la Ruée vers l’or étaient français” , selon Jacques Bodelle.
“J’espère que les Français prendront conscience de l’importance de leur contribution historique aux Etats-Unis, poursuit-il. On a tendance à faire le gros dos depuis la guerre en Irak. J’aimerais qu’on soit fier” .
Originaire du nord de la France, ce scientifique arrive en 1980 aux Etats-Unis s’est passionné pour l’Histoire sur le tard. Pour ses recherches, il s’est rendu à la Librairie du Congrès à Washington et a déniché des livres anciens sur le web. Il ne s’attendait pas à croiser autant de Français dans l’histoire américaine. Beaucoup d’entre eux ont laissé une trace indélébile sur les Etats-Unis, comme Antoine de Lamothe-Cadillac, fondateur de Detroit, et Pierre L’Enfant, l’architecte de Washington DC, qui se faisait appeler “Peter”. “Avant d’écrire ce livre, avoue Jacques Bodelle, j’ignorais 90% de ce que j’explique dedans” .
Quatre personnages parmi les dizaines évoquées ont retenu son attention: Broutin qui fut “l’un des grands architectes” de la Nouvelle-Orléans et concepteur du Couvent des Ursulines. Et trois ingénieurs venus après la chute de Napoléon en 1815: Claudius Crozet, constructeur des premiers tunnels traversant les Appalaches ; Benjamin Buisson, un ancien militaire, urbaniste (il traça les plans de la ville de Bâton-Rouge), journaliste devenu l’un des plus vieux généraux de l’armée sudiste; et Simon Bernard, un ancien de West Point, concepteur de plusieurs forts militaires américains.
Ces personnages et les autres ont été éclipsés par l’aura du marquis de La Fayette, que les politiques invoquent systématiquement pour parler de l’amitié franco-américaine. “La Fayette avait plus un rôle d’intermédiaire entre la France et les Etats-Unis qu’un rôle militaire, même s’il a connu des batailles victorieuses. Son amitié avec Washington a déclenché cette espèce d’admiration, de reconnaissance éternelle, analyse Jacques Bodelle. Qui regrette qu’on “parle peu de Ternay ou de Grasse” . Tous deux commandèrent d’importantes flottes (de 5.000 hommes pour le premier et 3.200 pour le second) qui prêtèrent main forte aux troupes de Rochambeau en 1780 et 1781 contre les Anglais. Pourtant pris de court, de Grasse défia même avec succès la marine anglaise lors de la fameuse bataille de Chesapeake.
Jacques Bodelle espère traduire le livre en anglais et le distribuer dans les lycées français notamment. “On a fait beaucoup pour les Etats-Unis. On ne revendique pas beaucoup notre héritage culturel. “
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Je m’interesse par articles comme ça. Je trouve que l’histoire des “Français” aux EU est trés inconnue. Mais souvent quand une histoire des Français aux EU est écrit, beaucoup est manque. On ne peut pas comprends notre histoire par Cadillac, LaFayette, et Tocqueville. Ils ont une part. L’histoire des Français aux Ameriques du Nord est fondamentalement une histoire des gens ordinaires.
interessant. et d’autres aussi. beaucoup de Bretons notamment, non? merci.