Si tous les grands musées disposent d’un département d’arts graphiques, ceux-ci ont généralement peu de moyens pour mettre en valeur les trésors qu’ils possèdent. Raison pour laquelle la fondatrice du Drawing Center, Martha Beck, a quitté le MoMA pour créer sa propre institution en 1977.
Le dessin a un statut un peu à part dans l’histoire de l’art. Il est principalement réputé pour les études et esquisses préalables à la réalisation des grandes œuvres : celles de Michel-Ange pour la Chapelle Sixtine ou de Géricault pour le “Radeau de la Méduse”, par exemple. Rares sont les artistes comme Degas dont les dessins et pastels sont aussi connus du grand public. Ceux de Picasso ou Matisse demeurent pour leur part mal compris parce qu’ils sont, dit-on, techniquement à la portée des enfants. Si le dessin était la preuve du savoir-faire des grands artistes classiques, son usage par les artistes contemporains déroute. Il est pourtant d’une richesse exceptionnelle.
Dédier une institution au dessin, montrer cette richesse, était un pari risqué, mais un pari réussi. Installé au cœur de SoHo, le Drawing Center fait partie des premières institutions à participer à la grande transformation du quartier. D’abord installé dans une Warehouse au 37 Greene Street, il déménage en 1988 dans sa localisation actuelle sur Wooster Street. Ayant cherché à s’agrandir durant les années 2000, il fut question de l’installer au sein de Ground Zero, mais une vive polémique a fait avorter ce projet, par crainte de la présentation d’œuvres anti-américaines dans ce lieu hautement symbolique. Malgré la recherche de nombreux autres espaces, le Cast Iron du 35 Wooster Street, que le Drawing Center occupe depuis vingt ans, est finalement restauré en 2012.
Ce qu’on aime à propos du Drawing Center ? C’est une institution à taille humaine. Une petite heure de visite suffit pour explorer tranquillement les trois espaces. Aucune crainte de se perdre dans un dédale de salles et de se confronter à une quantité d’œuvres qu’on aura oubliées à la sortie. Avec l’entrée à cinq dollars seulement, on envisage aisément de repartir avec le catalogue de l’exposition, d’autant que le programme du musée est d’une qualité exceptionnelle.
L’espace n’ayant pas de collection en propre, l’ensemble des fonds dont il dispose est dédié aux expositions temporaires – c’était un choix de Martha Beck. Elles couvrant autant la période classique ou moderne que contemporaine, le dessin d’art que l’architecture, les artistes les plus reconnus et les nouveaux talents. Ainsi, Rembrandt, Henri Matisse y côtoient Louise Bourgeois, Jennifer Bartlett et Rachel Goodyear.
Le Drawing Center est reconnu par ses nombreux partenaires comme une institution d’une exceptionnelle expertise. Ses expositions ont voyagé dans les plus grands musées d’Europe et d’Amérique du Nord. Il a réussi à fidéliser un vrai public réalisant pas moins de 55.000 entrées par an.
Un espace à voir et à revoir pour ses expositions d’une très grande qualité, son engagement exemplaire pour un médium mal compris, son espace d’une grande humanité et un accueil particulièrement chaleureux.