L’oeuvre de George Bellows ne se résume pas uniquement à ses peintures de boxeurs.
Jusqu’au 18 février 2013, en collaboration avec le National Gallery of Art de Washington et le Royal Academy of Arts de Londres, le Met a réussi à rassembler l’intégralité des oeuvres de ce peintre réaliste majeur du XXe siècle. Cette rétrospective complète de sa carrière est la première depuis 1966. On y découvre notamment les nombreux paysages urbains, les scènes de guerre et les portraits peints par l’artiste. Sans oublier ses illustrations, réalisées à l’aide d’une technique encore peu utilisée à l’époque: la lithographie. Elles occupent deux pièces.
Ses peintures sont autant de témoignages de l’Histoire, celle de l’Amérique au tournant des XIXe et XXe siècle, entre fin de la Guerre de la Sécession et essor du capitalisme fou. L’exposition retrace la carrière de Bellows, ponctuée de ruptures, d’oppositions et de contrastes. Elle montre à la fois son travail sur le réalisme et son goût pour l’expérimentation.
Si les fameuses peintures de boxeurs sont présentées, l’exposition donne aussi l’opportunité au visiteur de plonger dans le New York du début du XXe siècle. Car Bellows est aussi un peintre de New York, qu’il a peint et dépeint entre 1905 à 1908. Ses peintures new-yorkaises représentent un tiers de l’exposition. L’une de ses plus fameuses peintures, “New York”, montre les premiers gratte-ciel fleurir dans Manhattan, surplombant des piétons qui fourmillent le long des trottoirs, au milieu des charrettes et des chariots de livraison.
Après avoir peint plusieurs scènes d’enfants qui s’amusent le long des rives de l’East River à Manhattan, Bellows s’est tourné vers Brooklyn. Dans son tableau “Beach at Coney Island”, on voit des New-Yorkais en maillot de bain et en habits d’été profitant de la chaleur estivale pour pique-niquer ou se dorer au bord de l’Atlantique. Signe d’une société de plus en plus libérée.
Le côté sombre de la ville n’échappe pas non plus à l’oeil aiguisé du peintre. Né en 1882 à Columbus (Ohio), Bellows s’installe dans la Grosse Pomme en 1904, pour étudier les arts, dans le sillon de Robert Henri et de ses disciples de l’école Ashcan, qui s’attachent à représenter la précarité de la vie quotidienne new-yorkaise. A cette époque, on se pressait aux portes de New York, symbole d’un jour nouveau et d’un avenir radieux. Les exclus de ce rêve furent nombreux. Dans « River Rats » (1906), Bellows montre ces jeunes hommes, pauvres, qui n’ont d’autre solution que de se baigner dans les eaux sales de l’East River pour échapper à la canicule. Ils devaient descendre une dangereuse falaise – peut-être entre les 20e et 40e rues – pour gagner la rivière.
Dans « Steaming Streets », il dépeint le chaos qui régnait dans les rues de la ville au tournant du siècle. Dans ce tableau sombre, on voit un homme tentant de maîtriser ses deux chevaux à côté d’un « trolley », les tramways de l’époque, sous les yeux de piétons. Dans ce tableau, c’est toute la schizophrénie new-yorkaise qui s’exprime : XIXe contre XXe siècle, tradition contre innovation, passé contre futur. Une exposition à ne pas manquer.