Après les attaques contre Charlie Hebdo, et la prise d’otage sanglante à l’épicerie Hyper Cacher Porte de Vincennes, la presse américaine s’interroge sur le sort de la communauté juive de France, la 3eme au monde par sa taille (500.000 membres) après Israël et les Etats-Unis.
Beaucoup de medias américains insistent sur l’augmentation des actes antisémites en France ces dernières années. Le site d’information Vox parle de “crise de l’antisémitisme” en France nourrie notamment par le conflit israélo-palestinien. “Il n’y a pas de doute, les juifs français ont peur” .
Pour la radio Voice of America, les juifs en France “sont plus anxieux aujourd’hui sur leur sécurité et sur leur avenir” . Dans le Huffington Post, une contributrice juive raconte que les attaques terroristes à Paris lui rappellent qu’ “être juif, c’est parfois difficile “ . Pour le New York Times, “les juifs français, déjà assiégés par l’antisémitisme, disent que le traumatisme des attaques en France les laisse apeurés, en colère et incertains sur leur avenir en France, et de plus en plus ouverts à l’idée de considérer Israël, pourtant déchirée par la guerre, comme un refuge” . Enfin, pour The Christian Science Monitor, les tragédies de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, “seulement les dernières manifestations en date de la hausse de l’antisémitisme” , rendent la communauté juive “plus nerveuse que jamais.”
Le Wall Street Journal consacre lui un long article aux juifs venus en France d’Afrique du nord, notant qu’ils ont “fui la haine en Afrique” , entre en 1948 et l’indépendance de l’Algérie en 1962, seulement pour la retrouver en France en 2015. Le pays était alors vu comme “un refuge” pour eux. Les auteurs retracent l’histoire de cette communauté juive nord-africaine, qui a ouvert des écoles, des restaurants cashers et des synagogues, et placé “la France au centre de la vie juive en Europe” . Mais aujourd’hui, à en croire le quotidien, elle déchante. “Les choses vont de mal en pire en France et cela ne va pas s’arrêter” , dit une interviewée en ouverture de l’article. Comme pour donner le ton.
Dans ce contexte, Le New York Post comprend les juifs de France qui quittent le pays. “Comment leur en vouloir? De plus en plus, l’antisémitisme passe de la parole aux actes” , écrit-il le comité éditorial du journal dans un texte intitulé “Vive les juifs!” , jugeant les autorités européennes “incapables de stopper les attaques (antisémites), même en les condamnant” .
Dans un édito publié vendredi dans le New York Times, le journaliste politique israélien Shmuel Rosner prend le contrepied de cette position. Et considère que le premier ministre Benjamin Netanyahu aurait dû se garder de dire aux juifs de France et d’Europe qu’ “Israël est votre maison” . “Encourager les juifs de tous les pays à venir est dans l’ADN d’Israël, et le pays pourrait bénéficier de l’arrivée d’émigrés français. Mais les leaders israéliens devraient se retenir avant d’appeler à un exode massif des juifs français, écrit-il. L’Etat hébreu veut-il contribuer à mettre un terme aux siècles d’histoire du judaïsme français? Veut-il faire passer le message, comme les terroristes, que les juifs n’ont pas leur place en France? Veut-il simplement signifier que les efforts de la France pour protéger la communauté juive ont été un échec? Veut-il voir des juifs craintifs fuir l’Europe en masse une fois de plus? ”
Même tonalité dans un autre édito dans le Times. Son auteur, l’écrivain israélo-américain Bernard Avishai, se demande: “Quid de la tradition républicaine française, à laquelle les marcheurs à Paris ont rendu un vibrant hommage? Même si elle a éprouvé des difficultés depuis sa naissance à cause de l’ignorance, la vénalité et la peur, elle n’a pas trahi cette génération. ”
L’émigration juive française en Israël “provoque déjà un débat chez les juifs” , observe pour sa part le Washington Post. “Ils se demandent: est-ce mieux pour les juifs français de se rendre en Israël ou de rester à la maison pour insister que la société française, notamment sa population musulmane grandissante, s’adapte à eux? ”
Le quotidien note que la vie des arrivants français n’est pas simple en Israël. “Ces dernières années, les Israéliens les considéraient comme des snobs clinquants, qui achetaient de grandes résidences à la plage sans s’embêter à apprendre l’hébreu correctement. Mais la réalité est que ces Français sont issus pour beaucoup de la classe moyenne qui doit faire face, comme la plupart des Israéliens, au coût élevé de la vie” .
Le International Business Times considère lui que les prévisions d’arrivées de France pour 2015 – 15.000 contre 7.000 en 2014 – “sont exagérées” . “Les experts prédisent que ceux qui viendront en Israël faire leur “aliyah” vont se rétracter ou venir pour un peu de temps avant de retourner en France. Pour certains juifs, les difficultés au quotidien – langue, culture, économie – associées à la vie au Proche-Orient seront plus importantes que les bénéfices d’échapper à l’antisémitisme” .