(Mis a jour le 23 mars avec une précision sur les droits au chômage et une future demande de carte verte).
S’il y a un secteur qui embauche en ce moment, un seul, c’est celui-là: les départements de l’emploi, chargés au niveau de chaque Etat, de gérer les demandes d’allocations chômages. Le taux de chômage pourrait dépasser les 20% en raison de la crise a prévenu mercredi Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor. Comment faire pour toucher une indemnité chômage si vous êtes concerné par un licenciement ou mis en congé sans solde (“furlough”)? Et y avez-vous droit si vous êtes aux Etats-Unis sous visa? Le point sur ces questions et d’autres avec des experts consultés par French Morning.
Mercredi, l’Etat de New York a annoncé l’embauche de 34 nouveaux employés pour gérer un afflux sans précédent de demandes. Alors qu’ils traitaient la semaine passée environ 2.000 demandes par jour, les services ont dû faire face à quelque 20.000 appels en une seule journée mardi -chiffre très certainement sous estimé car les lignes étaient constamment occupées- très majoritairement venus du secteur de la restauration. Après que le site internet ait explosé sous la charge -comme dans nombre d’autres Etats-, le labor department de New York a mis en place une rotation par ordre alphabétique: noms commençant par Aà F pouvaient s’inscrire lundi, ceux par G à N mardi et O à Z mercredi. Ceux qui n’auraient pas réussi malgré tout pourront le faire jeudi ou vendredi. “Dans tous les cas, les indemnités dues seront payées, quelque soit le moment où l’ayant-droit aura réussi à s’inscrire” a précisé un porte-parole du labor department sur Twitter. En Californie, et notamment à San Francisco, la situation est tout aussi sérieuse. Pour faire face aux demandes, le Congrès a adopté hier une loi, dite “Families First Act” qui va “notamment fournir 1 milliard de dollars de subventions aux États pour étendre les allocations de chômage aux personnes qui perdent leur emploi pour cette raison”, explique Francine Prewitt, avocate spécialisée dans l’accompagnement des entreprises françaises aux Etats-Unis.
Qui a droit au chômage?
Même si elle sont encadrées au niveau fédéral, les règles changent selon les Etats. Chacun fixe ses propres critères d’éligibilité, basés sur un nombre d’heures et un salaire minimum perçu sur une période donnée (le plus souvent une année). Certains Etats exigent en outre que le demandeur ait travaillé à temps plein (ce n’est pas le cas à New York ni en Californie, à condition d’avoir atteint un revenu minimum pendant la période de référence). Il faut également être en mesure de travailler.
A combien a-t-on droit?
Là aussi cela varie par Etat, en moyenne l’indemnité est d’environ 45 à 50 % du salaire, avec un plafond. Ainsi à New York, un serveur de restaurant qui aurait gagné 40,000$ dans l’année précédente touchera 381$ par semaine. Le plafond est de 504$ par semaine à New York; 450$ en Californie.
Dans la plupart des Etats, ces droits durent 26 semaines au maximum.
Par ailleurs, la loi exige normalement un délai de 7 jours avant de pouvoir demander les droits au chômage, une exigence levée par la majorité des Etats à la suite du coronavirus, notamment à New York.
Les congés maladies
La loi “Families First Act”, entrée en vigueur mercredi 19 mars après sa signature par Donald Trump, prévoit pour la première fois au niveau fédéral, des congés maladies obligatoires. “Les entreprises de moins de 500 salariés ont désormais l’obligation de donner un congé payé jusqu’à 12 semaines s’ils sont testés positifs pour le virus, s’ils doivent prendre soin d’une personne dont le test a été positif, s’ils sont placés en quarantaine ou si l’école de leurs enfants est fermée, ” note Francine Prewitt.
Ces obligations ne portent que sur les entreprises de moins de 500 salariés, qui pourront ensuite être remboursées sous forme de crédit d’impôt. La très grande majorité des entreprises de plus de 500 salariés offrent déjà des congés maladie (“sick leave”), ce qui explique pourquoi elles ont été exclues de la loi.
Pour les étrangers et titulaires de visa
Les règles s’appliquent en principe à toutes les personnes qui sont légalement sur le territoire (la loi exclut spécifiquement les immigré illégaux). Si vous avez un carte verte, pas de problème. Mais pour les titulaires de visa, la situation est nettement plus compliquée.
En théorie, les non-résidents ont droit aux indemnités de chômage s’ils remplissent les conditions évoquées plus haut. L’Etat de New York le spécifie ici
“Le problème est que beaucoup de visas sont liés à un employeur spécifique, note Nathaniel Muller, avocat à New York. Si vous perdez votre emploi, vous perdez votre visa”. Ces personnes ne sont donc plus légalement “en mesure de travailler”, et ne peuvent donc prétendre aux indemnités de chômage. Cela concerne notamment les visas H1B, E, L et certains O. “Mais pour les visas E, L et O il y a plus de flexibilité, selon la façon dont la mise en congé est faite, précise Jorge Lopez du cabinet Littler. Tout dépend des détails de chaque dossier, c’est à étudier au cas par cas et avant de prendre les décisions pour éviter les mauvaises surprises par la suite”.
Mais la crise du coronavirus ajoute encore plus d’incertitudes. Ainsi les salariés mis en congés sans solde (“furloughed”) ont, dans la majorité des Etats, droit à des indemnités chômage. Mais en principe les visas n’autorisent pas le congé sans solde… “Nous nous attendons, et nous espérons que l’administration fédérale fasse des exceptions, et assouplisse les règles vues les circonstances, mais pour l’instant rien n’a été annoncé”, explique le National Law Project, une association de défense des droits des travailleurs.
En attendant la publication de règles, si vous êtes dans cette situation, vous pouvez faire la demande auprès de votre Etat. Mais attention, précise Francine Prewitt, “si vous prévoyez de demander une carte verte à l’avenir, cette demande d’allocation chômage peut avoir des conséquences en raison de la règle de “la charge publique”. L’administration Trump a en effet annoncé en février que les demandes de carte verte et de tout visa pourraient être refusées si la personne étaient “susceptibles d’utiliser certains avantages publics”. “Le fait d’avoir demandé des aides chômage pourrait tout à fait être interprété dans ce sens et une future carte verte refusée!”. Mais il faut noter que ce n’est pas le cas pour le moment. “Pour l’heure, l’administration exclut toutes les allocations qui résultent d’un ‘droit acquis'” (en travaillant), précise Jorge Lopez, avocat du cabinet Littler, spécialité en droit du travail), mais cela pourrait changer dans le futur”. Pour l’heure, ne sont pas considérés comme étant une “charge publique (“public charge”), et donc ne font pas obstacle à l’obtention future d’un visa ou d’une carte verte: les droits à la sécurité sociale, les droits versés aux vétérans, les indemnités chômage, les indemnités pour accident du travail.