Il y a un peu plus d’un an, l’accord trouvé entre les scénaristes d’Hollywood et les grands studios mettait fin à 148 jours de grève, l’une des plus longues de l’histoire de la Writers Guild of America (WGA ), comme en parlait French Morning. Peu après, c’était au tour du syndicat des acteurs, le puissant SAG-AFTRA, qui représente quelques 160 000 travailleurs du cinéma, de la télévision et des médias aux États-Unis, d’obtenir de meilleurs salaires, un encadrement de l’usage de l’intelligence artificielle et une meilleure répartition des revenus générés par les plateformes de streaming. Une victoire pour les travailleurs de l’industrie du cinéma de Los Angeles, véritable poumon économique de la ville.
Mais si leurs revendications ont été entendues, un an plus tard, force est de constater que la capitale mondiale du divertissement reste enlisée dans la crise. Dans un secteur en plein bouleversements économiques et technologiques, les coûts de production des films en Californie sont notamment pointés du doigt. À Los Angeles, les acteurs, comme les autres petites mains de l’industrie, font le dos rond, en espérant des jours meilleurs en 2025. Parmi eux, les Français tentent de s’adapter pour survivre.
Nicolas*, venu s’installer à Los Angeles en 2015, a vu le nombre de ses auditions baisser en 2023, comme beaucoup d’acteurs. « Il n’y avait déjà pratiquement rien six mois avant la grève, affirme le comédien, qui a joué plusieurs rôles aux côtés de grands noms du cinéma français et américain. J’ai en général 30 auditions par an aux États-Unis, et en 2023, j’ai dû en passer 4. » Affilié au SAG-AFRA, il n’avait pas le droit de travailler pendant les 118 jours qu’a duré la grève, de juillet à novembre 2023. Une nouvelle mise au chômage forcée après les deux années blanches de la pandémie.
Mais, pour lui, l’embellie espérée à l’automne 2023 n’a pas eu lieu. « Tout le monde se disait qu’après la grève, ça irait mieux. Tout le monde s’attendait à ce qu’il y ait beaucoup de projets, et rien. Rien du tout », déplore le jeune homme. Afin de pouvoir payer son loyer, particulièrement élevé dans la Cité des Anges, il vit d’un side-job, devenu sa principale ressource. Alors qu’autour de lui, beaucoup d’acteurs ont quitté LA, il se pose la question, à moyen terme, de rentrer en Europe.
D’autant plus que depuis la pandémie, les auditions, qui se faisaient sur site, se font désormais pour l’immense majorité en distanciel, une « énorme révolution ». « Avant le Covid, il fallait être physiquement présent pour participer aux auditions, rappelle-t-il. Aujourd’hui, c’est complètement fini. Je pourrais habiter au Texas ou en Inde et auditionner, avec mon manager et mes agents. Il n’y a plus forcément besoin d’habiter à LA. » Une ville qui représentait la Mecque du cinéma, pour le Français formé à l’art dramatique à New York.
D’autres acteurs ont, eux, réussi à trouver de nouvelles opportunités. Maude Bonanni, qui a fait l’essentiel de sa carrière aux États-Unis, venait de revenir à LA, après avoir passé trois ans en France pendant la pandémie, quand la grève a démarré. Si elle a dû jongler avec des petits boulots en 2023, tout brandissant des pancartes devant les studios, en 2024, elle dit n’avoir jamais autant travaillé, grâce au boom des films « verticaux ». Ces mini-séries conçues spécialement pour les écrans de smartphones sont « la grande nouveauté » de 2024 dans l’industrie, selon elle. Un secteur qui échappe pour le moment à la juridiction du SAG-AFTRA.
« Pour un acteur, c’est le nouveau soap opéra. Ce n’est pas considéré comme du grand art, mais en ce moment, on assiste à une explosion de ces films. Je suis tombée dedans un peu par hasard, et on me propose beaucoup de rôles. Ça m’amuse, et surtout, je vis de ça. Autrement, je ne sais pas ce que je ferais, témoigne-t-elle, car tout le monde est un peu désespéré. »
Dans cette période de marasme, ceux qui parviennent à se diversifier tirent leur épingle du jeu. Arrivée à Los Angeles comme actrice en 2020, Floriane Andersen a pu traverser les turbulences de la grève grâce à ses autres casquettes de réalisatrice, productrice et directrice artistique dans un studio de doublage. « J’arrive à me diversifier assez pour payer mes factures », se réjouit-elle.
Co-fondatrice de la société de production Artak picture, à Los Angeles, trois de ses films sont actuellement en cours de production, dont « Perfect », avec Julia Fox, qu’elle espère envoyer dans les grands festivals. Côté acting, en revanche, la reprise des auditions se fait encore attendre, même si elle constate une légère embellie. De nombreuses sociétés de production attendaient janvier « pour repartir de plus belle, affirme-t-elle. Survive until 2025, c’est le credo que tout le monde répète ici. »
*Le prénom a été changé