Six mois après le début du confinement lié à l’épidémie de la Covid-19, le marché de l’immobilier s’est transformé dans la baie de San Francisco. Il se caractérise avant tout aujourd’hui par de forts déplacements locaux liés au travail à distance. “Les clients cherchent de l’espace supplémentaire et bougent pour le trouver. On a de nombreuses personnes qui quittent le centre de San Francisco pour s’installer dans la baie. À prix similaires, ils peuvent avoir un bureau en plus, une terrasse ou un jardin. La banlieue attire donc davantage”, explique Servane Valentin, agent immobilier pour Andrea Rentals, expert de la location dans la baie.
Avec plusieurs méga-entreprises implantées dans la région qui annoncent prolonger le travail à distance de manière indéfinie, à l’instar de Facebook ou Twitter, les employés cherchent en effet à pousser les murs. Pour travailler plus confortablement, avoir de quoi accueillir une aide à domicile ou de la famille. Une tendance qui se retrouve à San Francisco malgré des départs constatés pour la banlieue, d’autres villes ou même d’autres États. « Après le calme des semaines qui ont suivi le confinement, la demande sur les maisons individuelles et les appartements avec extérieur a augmenté », confirme Anne Laury, agent immobilier pour Coldwell Banker à San Francisco. Et la spécialiste des ventes de préciser : “le prix médian d’une maison individuelle vient même d’atteindre le prix record d’1.8 millions… Un marché très chaud en ce moment ! »
Loin de la dégringolade annoncée, les marchés de la vente et de la location se maintiennent donc. Il faut regarder dans le détail, par type de bien et par quartier, pour observer des diminutions de prix. C’est alors la dynamique de la demande qui influence directement les fluctuations. Concrètement, les montants des biens les plus recherchés – les fameuses maisons individuelles et appartements avec jardin – restent stables, voire augmentent dans certains quartiers courus. Les tarifs des biens les plus boudés – studios et appartements sans extérieur – partent en revanche à la baisse et en plus longtemps. « Seuls les appartements en grands buildings et les propriétés de luxe ne se vendent pas bien actuellement », ajoute Anne Laury.
À noter du côté des locations que la chute des prix des loyers pour un studio à San Francisco serait de plus de 10% par rapport aux prix de l’année dernière à la même époque, baisse la plus importante du pays selon un rapport de la plateforme Zumper. Mais même après cette dépréciation, la ville reste en pole position des villes les plus chères des USA : un appartement d’une pièce à louer revient à $3200 par mois quand, à New York, il faut débourser $2840.
Si des baisses de loyers se retrouvent à travers toute la baie, elles sont moins importantes du côté de Berkeley, Oakland ou San José et concernent surtout les petites surfaces. « Certes les loyers des petits appartements diminuent légèrement en ville, car ils sont moins courus en ces temps de COVID, mais par ailleurs, les prix restent stables et il y a toujours de la concurrence… », assure Servane Valentin. Dernier point partagé par Anne Laury, qui a reçu sur San Francisco plusieurs offres d’achat par bien vendu et rajoute « que ces biens partent rapidement ».
Le chômage et les coupes salariales, conséquences économiques directes de la pandémie, n’épargnent cependant pas les habitants de la région et le marché immobilier le reflète aussi malgré sa surprenante résistance. Résultat : quelques effets secondaires bénéfiques. Moins d’augmentations de loyer sur les contrats de location renouvelés, plus de place pour les primo-acquéreurs et pour la négociation.
« Certains propriétaires sont obligés de vendre leurs biens de peur de ne pouvoir les louer correctement et d’autres offrent des réductions sur les loyers pour que leurs locataires ne s’en aillent pas… », raconte Servane Valentin d’Andrea Rentals. Est-ce donc le moment de négocier le tarif de son loyer ? « Oui, mais avec prudence », prévient l’experte. « Avant de négocier, il faut s’assurer de faire des comparatifs sérieux pour voir dans quelle catégorie se situe son bien. Une maison East Bay, c’est clairement un risque en ce moment et les propriétaires retrouveront de nouveaux locataires sans problème ».
Côté achat, impact notable de la Covid-19 : un inventaire de biens à la vente très élevé sur San Francisco. « Avec la fermeture des bars, des restaurants et autres lieux de vie, les problèmes liés aux sans-abris sont ressortis et les gens ont eu envie de s’éloigner de la ville. Mais San Francisco restera San Francisco. Les choses reprendront leur cours et si on pense long terme, c’est donc un très bon moment pour acheter et investir », explique Anne Laury de Coldwell Banker. Tout l’enjeu des prochains mois réside dans l’absorption, ou non, de ce large inventaire. « Nous sommes à un tournant », conclut Anne Laury. Et il va donc falloir surveiller de près les mois à venir pour voir comment le marché immobilier va réagir à ces circonstances inédites. Les spécialistes restent confiants.