Alors que les prises de position en faveur d’une réouverture des écoles publiques encore fermées se multiplient dans la presse américaine, des parents français de la Baie de San Francisco se mobilisent pour attirer l’attention sur le sujet. Le samedi 5 décembre à 10 heures, des parents du BUSD – Berkeley Unified School District – organisent une marche et une manifestation pacifique pour se faire entendre. Avec masques et distanciation.
Virginie Goubier, mère de deux enfants scolarisés en classes de K et de 2d, fait partie des parents à l’initiative du mouvement. « On cherche à attirer l’attention de l’opinion et faire évoluer la situation. Nos enfants n’ont pas été en classe depuis le mois de mars… Ça doit être une priorité » assure-t-elle. Un point de vue partagé par d’autres parents comme Christine Polycarpe, mère d’un fils inscrit au lycée, en 10ème , et d’une fille au collège, en 7ème. « On veut secouer les puces des décisionnaires et dire aux professeurs : on comprend vos craintes de retourner enseigner en personne, mais on ne peut pas laisser tomber toute une génération par peur… ».
Céline Perier, mère de 3 garçons de 15, 13 et 8 ans, précise : « le remède est pire que le mal… ». Cette scientifique de l’université de Berkeley confie même se sentir abandonnée et espérer pouvoir ouvrir le dialogue avec la manifestation de samedi. « Mes enfants ont besoin d’aller à l’école. Moralement, c’est difficile. Surtout pour mon grand qui passe son temps sur écran à un âge où les relations sont très importantes. Mon petit lui, décroche un peu. Ce n’est pas le retard qui me fait peur, mais qu’il ne voit plus le sens, qu’il perde l’envie d’apprendre, le but… » explique-t-elle.
Jeanne Noble, médecin aux urgences au sein du groupe UCSF soutient la démarche de ces parents et souligne la détresse que les enfants éprouvent actuellement. « L’isolement mois après mois pour ces jeunes est un vrai problème. Nous voyons une augmentation des taux de dépression, d’anxiété et des troubles alimentaires. Les pensées suicidaires et comportements autodestructeurs ont augmenté de 160% depuis mars. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg… ». Son intervention filmée se trouve en ligne sur le site des parents de Berkeley.
Face à un tel constat, Virginie Goubier, journaliste, décide donc de faire bouger les choses. « Quand on voit qu’en France tout ferme sauf les écoles et que cette stratégie est adoptée par plusieurs pays européens, on se demande ce qu’il se passe ici ! Je râlais toute seule alors j’ai décidé de mettre ma rage dans quelque chose de constructif » raconte-elle. Après une lettre envoyée aux parents de son école, elle récolte de nombreuses réponses d’autres parents tentant d’avancer dans leur coin. Ils se rallient et lancent leur collectif. La pétition qu’ils font ensuite circuler a déjà rassemblé presque 400 signatures.
« Je fais tout ça pour mes enfants, car je crois profondément à l’école publique. Là, ils sont en train de saccager ses valeurs. Ça se passe bien à la maison, mais je me bats pour une école plus juste ! » affirme Virginie Goubier. Car à l’heure de l’école à domicile, les inégalités entre les différents groupes socio-économiques ne cessent de se creuser. « J’ai un tuteur pour nous aider et j’ai presque honte par rapport à ceux qui ne peuvent pas se le permettre… Je crois au service public et la fermeture des écoles provoque une augmentation des inégalités dans une société déjà individualiste… » précise Céline Perier. Et Christine Polycarpe d’ajouter : “la Californie clame des valeurs de justice et d’inclusion. C’est triste qu’elle participe au décalage des richesses…“.
Les dates de rentrée officielles annoncées par les écoles publiques encore fermées varient à travers la Baie. Nombre d’entre elles visent le mois de janvier, mais l’augmentation des cas, l’arrivée du froid, des fêtes et les nouvelles mesures de restriction risquent d’empêcher ce plan. « On a tout simplement loupé le bon créneau pour ouvrir en octobre. Parce que les écoles n’étaient pas prêtes et les enseignants réticents… Maintenant, il faut que tout le monde se mette d’accord de manière transparente – le district, les syndicats et les parents – afin d’accueillir les enfants dès que l’État l’autorisera… » explique Virginie Goubier.
Plusieurs autres mouvements s’organisent dans les environs et partagent le même objectif. À l’instar de celui de San Francisco (« Decreasing the distance ») ou d’Oakland (OUSD Parents). Tous souhaitent obtenir un plan de réouverture clair et précis. “On voudrait aussi que l’État de Californie priorise l’éducation en personne avant la réouverture des bars ou des salles de sports…” conclut Virginie Goubier. Un message récurrent qui sera affiché lors de la manifestation du samedi 05 décembre.