« Napoléon disait, ‘impossible n’est pas français’, moi je dis ‘impossible n’est pas l’Alliance’ ! » Tatyana Franck, Présidente de l’Alliance New York, ne cachait pas sa joie et sa fierté mardi 21 janvier, lors de l’inauguration de l’exposition « Covering The New Yorker » dans les locaux de l’institution culturelle française. Une grande première, puisqu’il s’agit de la première exposition consacrée aux unes du New Yorker dans l’histoire du magazine.
« Nos équipes ont réalisé un travail titanesque pour rassembler, en deux mois seulement, cent unes et archives du New Yorker et célébrer le centenaire de cette icône new-yorkaise. En tant que phare sur les cultures francophones, nous rendons ici hommage à un regard français unique sur l’actualité mondiale ». Elle fait bien sûr référence à Françoise Mouly, la directrice artistique du New Yorker depuis 1993, qui choisit soigneusement les couvertures illustrées devenues la signature du magazine hebdomadaire. Les grands noms de l’illustration ont signé les unes : Saul Steinberg, William Steig, Maira Kalman, Barry Blitt, Chris Ware, Kadir Nelson, Art Spiegelman, David Hockney… et Jean-Jacques Sempé bien sûr. Le dessinateur originaire de Gironde, décédé en aout 2022, a illustré à lui seul une centaine de couvertures, et quelques vinyls de sa signature sont exposés devant le Florence Gould Hall.
« Il s’agit d’un travail collectif dont on ne voit en général que le résultat. Je suis ravie que soient montrés le travail de recherche, les dessins préparatifs et la patte de l’artiste, derrière chacune de ces œuvres », nous a confié Françoise Mouly, qui avait fait le déplacement pour l’événement.
Le New Yorker a une particularité depuis ses débuts : pas de titre, juste une couverture illustrée qui est soit en rapport avec l‘actualité du monde et les fêtes traditionnelles américaines, soit sont des paysages new-yorkais ou des traits d’humour. « Leur particularité est que l’on ne vous dit pas quoi penser. Ces couvertures déclenchent des émotions et sentiments, des préjugés parfois. Elles donnent à voir ce qui se passe en ce moment, mais on ne se force jamais à réagir non plus ».
À l’entrée, la première couverture du New Yorker, qui date du 21 février 1925, représente la célèbre caricature Eustace Tilley, un dandy qui étudie un papillon à travers son monocle. Un personnage qui prend des airs très sophistiqués, inspiré des magazines d’humour français, et qui sera ensuite repris tous les ans dans le New Yorker. Jusqu’à ce que Françoise Mouly modernise l’exercice à son arrivée, en confiant l’interprétation de cette icône à des artistes contemporains.
L’exposition évolue par thèmes. Tout d’abord, les illustrations de la Grosse Pomme, qui donnent à voir les excentricités, les scènes iconiques ou improbables qui font le quotidien de cette ville, toujours sous un regard frais et pointu. Comme un Cupidon, assis sur le bord d’un gratte-ciel avec son café, ses cigarettes, son donut et son arme à feu, qui surveille les passants avec des jumelles. Ou une femme en manteau de fourrure dans Central Park, poursuivie par un raton laveur mécontent.
Elle se poursuit avec les événements mondiaux qui ont marqué ces dernières décennies. Alors que le magazine avait choisi des Unes sages et picturales pendant plusieurs décennies, le changement de management a conduit à un style plus engagé dans les années 1990. Des couvertures qui ont créé la controverse, comme celle d’Art Spiegelman – le mari de Françoise Mouly, et auteur de la célèbre BD Maus – montrant un juif hassidique en train d’embrasser une femme noire en 1993. Mais aussi la couverture coup de poing après la mort de George Floyd en 2020, intitulée « Say their names » et réalisée par Kadir Nelson.
C’est ce même artiste qui avait réalisé la Une prévue en cas de victoire de Kamala Harris à la dernière élection présidentielle. Un portrait de la Vice-Présidente avec le doigt de la justice levé, et sur elle des représentations des avancées de justice sociale. Une couverture qui n’aura jamais vu le jour, et présentée en exclusivité lors de cette exposition. « J’étais en train de travailler dessus le soir de l’élection et vers 9.30 pm, j’ai su que cela ne servait à rien. J’ai voulu l’exposer en grand format ici et laisser un petit exemplaire insignifiant de la vraie Une ». Un profil sombre d’un Donald Trump menaçant, portant de la fumée en lui.
Outre l’actualité, le New Yorker donne page blanche aux artistes pour mettre en dessin leur vision très personnelle et leur ressenti d’une époque, et surtout créer une connexion avec le lecteur. Les faire rire et sourire aussi, comme ces touristes affublés de t-shirts et autres produits dérivés Monet, en visite à Giverny. Leur seule consigne : « capturer ce qu’est être vivant en ce moment ». Un parti pris qui fait des émules depuis un siècle maintenant, et c’est loin d’être fini.
« Covering The New Yorker », L’Alliance New York, 22 East 60th Street. Jusqu’au 30 mars 2025. Entrée gratuite. Site