Après l’exposition éphémère « Dream Now » de Louis Vuitton et Nike en mai dernier à Greenpoint, c’est au tour du Brooklyn Museum de rendre un vibrant hommage au travail du designer américain Virgil Abloh, directeur artistique de Louis Vuitton de 2018 jusqu’à sa mort tragique l’an passé, à l’âge de 41 ans.
Intitulée « Figures of Speech », l’exposition retrace le parcours de ce designer américain né à Chicago de parents Ghanéens qui, au cours de ses vingt ans de carrière, a eu à cœur de bousculer l’industrie de la mode et son snobisme. Son ambition était de créer une place pour la représentation des artistes Noirs, et de mettre en place des collaborations uniques interdisciplinaires, avec la musique ou le sport par exemple.
Le message de cette exposition se fait sentir dès l’entrée du musée, lorsque les mots « purist » versus « tourist » attirent l’œil en passant les tourniquets du musée. Au rez-de-chaussée, l’exposition commence par une très longue table sur laquelle sont exposés des objets créés par le designer : le sac Keepall de Louis Vuitton, auquel il a ajouté une chaîne orange fluo en céramique, en référence aux codes du streetwear et à la protection contre le vol de sacs de luxe très convoités.
Ou encore des colliers en forme de trombone, un objet de l’univers rap qu’il avait créé dans sa jeunesse, rappel de son milieu modeste, et qu’il a recréé avec des pierres précieuses. Une collection de baskets repensées et designées avec des matières innovantes pour Nike. Mais aussi la tenue de Serena Williams pour l’US Open 2018 avec une jupe tutu en tulle, qui illustrait son jeu percutant et son style vestimentaire transgressif sur les courts.
L’exposition revient également sur les premières armes de l’artiste, dont les designs ont rapidement capté l’attention de Kanye West. C’est l’artiste américain qui fait venir Virgil Abloh dans son agence artistique, Donda, et qui a contribué à le faire connaître et à le propulser dans le milieu de la mode.
Après cette première expérience et un stage chez Fendi, Virgil Abloh décide de voler de ses propres ailes et lance, en 2012, sa marque Pyrex Vision, inspirée du hip-hop et du skateboard et tournée vers les jeunes. Il conçoit des t-shirts et sweatshirts XXL sur le modèle des marques existantes (comme Champion), sur lesquels il intègre des graphismes ou des images très décalés, comme une œuvre du Caravage par exemple. Mais aussi des phrases percutantes, ou encore des chiffres sur le dos pour que chacun ait le sentiment de faire partie d’une même équipe.
Une façon de reprendre des vêtements basiques aux codes du hip-hop, de leur donner un sens nouveau et de faire passer un message politique, avec sa propre patte. La marque est un succès instantané, malgré des prix très élevés, et en 2013, il la rebaptise Off White, « l’espace gris entre Blanc et Noir », selon lui.
L’exposition fait également état de ses nombreuses et riches collaborations avec l’industrie de la musique et les concerts, notamment son travail sur les pochettes d’albums de Kanye West, Jay-Z et ASAP Rocky.
Plus loin, Virgil Abloh – qui a suivi des études d’architecture – a conçu une maison en bois surélevée, appelée « sculpture sociale », qui est pensée comme un lieu d’échanges entre artistes, designers, étudiants, activistes etc. Virgil Abloh a aussi souhaité ici symboliser, avec un ton décalé, l’architecture Noire, puisque selon ses dires, « l’ensemble ne semble pas achevé ou réalisé parfaitement, mais la maison remplit son rôle premier ».
Enfin bien sûr, l’exposition rend compte de ses influences à l’apogée de sa carrière lorsqu’il était le directeur artistique de Louis Vuitton, avec une série de vêtements exposés sur des portants. Chez la marque emblématique de LVMH, Virgil Abloh a toujours eu cette même volonté de bousculer les lignes et de lutter pour la représentation des Noirs.
Entre l’utilisation d’une œuvre surréaliste de Di Chirico, les références à la crise des réfugiés en Europe via l’utilisation de matériaux de sauveteurs en mer, ou encore la collection nothing new en référence aux critiques de ses contemporains, son œuvre prolifique montre un intérêt pour tous les sujets, et une volonté de se questionner et se renouveler. À la sortie, une collection capsule Off White en partenariat avec le Brooklyn Museum donne à voir le prix – exorbitant – de ce génie : un sac à main à 3 300 dollars ou une veste à plus de 6 000 dollars.
Virgil Abloh: “Figures of Speech” au Brooklyn Museum. Jusqu’au 29 janvier 2023. Billets ici.